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Un an après le début de la crise sanitaire du coronavirus, qui a progressivement éclipsé le reste, est-il possible de dresser un parallèle entre la pandémie et le changement climatique ? Que retenir de cette crise afin de lutter plus efficacement contre le plus grand défi auquel l’humanité est confrontée, celui du réchauffement climatique ? Le climatologue Jean Jouzel a pris le temps de nous livrer ses réflexions dans cet entretien.

Tout d’abord, est-il possible de tracer un parallèle entre la lutte contre la pandémie de coronavirus et la lutte contre le réchauffement climatique ?
Avant de faire un parallèle entre les deux crises, il faut comprendre les similitudes dans leurs causes. Même s’il n’existe pas de relations directes bien étayées entre la variation du climat et l’expansion de la pandémie (en dehors des variations saisonnières de cette dernière), il y a deux facteurs communs aux deux crises : la déforestation et la mondialisation.
La déforestation participe au réchauffement en émettant des gaz à effet de serre et en réduisant le stockage naturel du carbone, elle met en contact les êtres humains avec des espèces sauvages favorisant ainsi la transmission des zoonoses. Quant à elle, la mondialisation des échanges accélère la transmission du virus, notamment avec le transport aérien de masse. La mondialisation joue un rôle dans le réchauffement climatique car elle s’appuie sur les règles de l’Organisation mondiale du Commerce qui visent à maximiser les échanges sans tenir compte du réchauffement climatique.

Et la science dans tout ça ?
Le rôle des scientifiques n’est pas de faire des recommandations, mais de fournir un diagnostic. Il s’agit de la mission première du GIEC à laquelle je reste très attaché. La science doit dire les choses, mais il incombe bien aux dirigeants politiques de prendre les décisions. C’est peu ou prou ce qui se passe, en France, avec le Conseil scientifique pour la pandémie de Covid-19. Le président de la République prend en compte ses avis, mais on constate également que le gouvernement tient compte d’autres contraintes économiques et sociétales pour arrêter certaines mesures.

Un an après le confinement en France, qu’est-ce que la crise sanitaire nous a appris en matière de lutte contre le réchauffement climatique ?
La baisse de l’activité économique a entraîné une réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’ordre de 6 à 7 % au niveau mondial et de 10 à 12 % en France. Pour parvenir à se mettre sur une trajectoire compatible avec l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, il faudrait parvenir à réduire de 7 % par an les émissions de gaz à effet de serre au niveau planétaire. Il ne suffit donc pas de réduire l’activité économique pour se mettre sur cette trajectoire. Il faut avant tout changer le fonctionnement de nos sociétés et leur modèle de développement. Cela signifie concrètement repenser nos modes de production, transformer la manière dont nous produisons et consommons notre énergie, sans oublier d’aller vers plus de sobriété. C’est pour moi le principal enseignement de cette crise.

Dans les deux cas, les solutions existent et sont connues. Leur mise en place se montre plus compliquée et lente que prévu. Les frictions et les difficultés se multiplient, et ce malgré l’envie commune et consensuelle d’en finir avec le virus ou le réchauffement. Comment l’expliquez-vous ?
Dans le cas de la pandémie, ce n’est pas surprenant, nous n’étions pas préparés. Il y a eu une impréparation dès le départ car le virus était vu comme un phénomène lointain, cantonné à la Chine. Notre sentiment de supériorité nous conduisait à penser que nous serions épargnés grâce à un système de santé extraordinaire qui nous protégerait. Ça n’a pas été le cas. On peut toutefois se dire que la disponibilité des vaccins au bout d’une année se révèle un bon résultat. Nous sommes néanmoins à la limite de ce que nous sommes en mesure de produire sur la Planète.

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