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L’attaque terroriste la plus meurtrière menée au Burkina Faso depuis six ans, entre vendredi et samedi, a fait 160 morts selon un dernier bilan donné dimanche.

Vue aérienne de Ménaka, aux frontières du Mali, du Niger et du Burkina Faso, ville considérée comme un fief de l'Etat islamique au Sahel, le 22 novembre 2020.© afp.com/SOULEYMANE AG ANARA Vue aérienne de Ménaka, aux frontières du Mali, du Niger et du Burkina Faso, ville considérée comme un fief de l’Etat islamique au Sahel, le 22 novembre 2020.

Auparavant épargné par les attaques qui touchent la plupart des pays sahéliens, le Burkina Faso connaît régulièrement depuis 2015 des enlèvements et attaques perpétrés par une douzaine de groupes djihadistes, affiliés à Al-Qaïda ou à l’Etat islamique. Le 15 janvier 2016, un raid contre l’hôtel Splendid et le restaurant Cappuccino à Ouagadougou fait 30 morts, majoritairement des Occidentaux. L’attentat, le premier de ce type au Burkina Faso, provoque alors un choc.

Mais cette pression djihadiste a pris encore une autre envergure, entre vendredi et samedi. Pas moins de 160 personnes, dont une vingtaine d’enfants, sont morts dans une attaque perpétrée dans le village de Solhan, dans le nord-est du pays, proche des frontières avec le Mali et le Niger, également confrontés à la menace terroriste. Cela représente plus d’un dixième de l’intégralité des morts liés au terrorisme depuis six ans (1400). « Beaucoup ont tout perdu après l’incendie de leurs biens et de leurs habitations », selon un élu local, qui observe la population fuir pour les agglomérations proches de Sebba – qui dispose d’une base militaire – et Dori.

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Les assaillants ont d’abord visé un poste de Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), des supplétifs civils de l’armée burkinabè, selon des sources locales. Ils s’en sont ensuite pris aux maisons de Solhan et ont exécuté des habitants. « Ils tiraient sur tout ce qui bougeait en criant Allah Akbar », confie Amadou, rescapé de l’attaque qui a décimé une partie de sa famille, sur son lit d’hôpital dans la capitale Ouagadougou, au quotidien Ouest-France. En totale impunité, les assaillants sont même revenus, le lendemain, terminer leur besogne. « Hier [samedi], vers 22 heures, on nous a appelés pour nous dire que les assaillants étaient revenus, cette fois dans le marché de Solhan. Là, ils ont cassé les boutiques et brûlé le reste. Cela veut dire qu’ils sont restés là depuis 22 heures jusqu’à 5 heures ce [dimanche] matin, lorsqu’on nous a dit qu’ils sont partis », a raconté l’adjoint au maire de Solhan, Sow Youssoufi, à la radio RFI.

L’attaque massive de Solhan en a suivi de près une autre, menée tard vendredi soir, sur un village de la même région, Tadaryat, au cours de laquelle au moins 14 personnes ont été tuées. Ces attaques surviennent elles-mêmes une semaine après deux autres dans la même zone faisant quatre tués.

Armée mal équipée

Si le mal est connu de longue date, les moyens de lutter sont relativement faibles. Le nouveau président Roch Marc Christian Kaboré, qui a succédé en 2015 à Blaise Compaoré, a pourtant fait de la lutte « antiterroriste » sa priorité et a été réélu en 2020 en grande partie sur la promesse de ramener la paix dans son pays. Sans grand succès.

L’armée burkinabè, faible et mal équipée, ne parvient pas à contrer les attaques de plus en plus nombreuses et doit s’appuyer sur des supplétifs civils, les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), qui payent un lourd tribut à la lutte antidjihadiste.

Au Niger, le nouveau chef de l’Etat Mohamed Bazoum estime que son pays est avant tout victime de la situation au Mali d’où, selon lui, viennent les groupes djihadistes qui le frappent. Le Niger a été lui aussi victime le 21 mars d’attaques massives contre des villages de la région de Tilla, proche de la frontière malienne, qui ont fait 141 morts. Depuis l’invasion du Nord du Mali en 2012 par des groupes djihadistes, la situation s’y est effectivement aggravée en dépit de l’intervention militaire française – d’abord Serval, puis Barkhane plus étendue – et a fait tache d’huile, les groupes djihadistes frappant désormais le Burkina et le Niger, essentiellement dans ou près de la zone dite des « trois frontières » entre ces trois pays.

Une communauté internationale sans solution

La communauté internationale, également, condamne systématiquement ces « attaques barbares » sans sembler pouvoir être en mesure de les contrer. Le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a annoncé dimanche un voyage « cette semaine » au Burkina Faso, au cours duquel il exprimera « à nouveau la solidarité de la France », ancienne puissance coloniale.

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En condamnant samedi l’attaque de Solhan, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a souligné « la nécessité urgente que la communauté internationale renforce son soutien à l’un de ses membres dans son combat contre la violence extrémiste et son bilan humain inacceptable ».

Le pape a dit avoir prié « pour les victimes du massacre » de Solhan. « L’Afrique a besoin de paix, pas de violence », a-t-il estimé. L’Union européenne (UE) a également condamné « ces attaques lâches et barbares », appelant « à tout mettre en oeuvre pour que leurs auteurs répondent de leurs actes ».

Un deuil national de trois jours a débuté samedi en hommage aux victimes de « cette attaque barbare et ignoble », selon le président burkinabè, qui a appelé ses compatriotes « à rester unis et soudés contre ces forces obscurantistes ».

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