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Les mutilations génitales féminines (MGF) constituent une pratique profondément ancrée au Sénégal, qui touche généralement les filles à un très jeune âge. Malgré́ les efforts en cours, les niveaux de mutilation génitale féminines stagnent depuis au moins deux décennies.

Juriste en droits humains et originaire d’une localité dans le nord du pays, cette jeune dame du nom d’Aissatou Ngom a été excisée à l’âge de 12 ans. “J’étais avec ma petite sœur on nous a demandé d’aller voir une tante qui était dans le village à qui on devait nous présenter et on ne nous avait rien dit. Quand je suis arrivée il y avait une dame dans une pièce où il y avait une natte, beaucoup de sable, une calebasse avec des lames et là j’ai compris que ce n’était pas une visite de courtoisie. Quand j’ai voulu ressortir ma tante qui nous avait accompagnée m’a tiré vers elle. Elles ont fermé la porte et elles m’ont mise par terre car elles étaient trois”

“Quand je me suis réveillée, j’avais beaucoup de sang et j’avais une douleur au bas ventre que je ne comprenais pas “

 Après avoir subie l’excision, la petite Aissatou s’était évanouie. « Je me suis évanouie pas à cause de la douleur ressentie lorsqu’elles ont commencé. Je n’arrivais plus à respirer parce que je n’avais que 12 ans et je faisais 40 kg avec une dame de 80 kg qui était assise sur ma poitrine je me suis évanouie. Quand je me suis réveillée, j’avais beaucoup de sang et j’avais une douleur au bas ventre que je ne comprenais pas. Il s’y est ajouté, une hémorragie mais personne ne m’a amené à l’hôpital parce que c’était interdit et les personnes qui étaient identifiés comme ayant pratiqué l’excision seraient emprisonnées », affirme-t-elle. A l’en croire, ma famille a choisi de rester à la maison et de prier pour que j’aille mieux. « Des jours plus tard, l’hémorragie s’est arrêtée et je me suis battue pour survivre. Cela a été une période extrêmement difficile. Je suis sortie de cela très colérique, énervée et sur la défensive je n’avais plus confiance en personne et j’en voulais au monde entier ».  Interpellée sur sa vie après ce passage sombre, Aissatou Ngom estime qu’elle ne s’en est pas sortie de cette épreuve indemne, « parce qu’elle a fait place à une autre personne. La petite fille joyeuse et innocente a disparu et a laissé la place à une jeune fille méfiante de sa société, de sa tante et de tout le monde”, dit-elle.

« Je ne peux pas me coucher sur le dos. Dès que c’est fait je sens qu’il y a une pression, je ne dors que sur le ventre car je sais que personne ne va m’exciser dans mon sommeil »

Malgré qu’elle essaie de s’en sortir, il y a des séquelles qui n’ont pas disparu. « Des années plus tard, je me suis rendue compte qu’il y avait des choses qui se cachaient derrière cette excision, il y’avait une jeune fille qui avait peur, je ne peux pas me coucher sur le dos. Dès que c’est fait je sens qu’il y a une pression, je ne dors que sur le ventre car je sais que personne ne va m’exciser dans mon sommeil. J’ai été voir un spécialiste car c’est un traumatisme. Je ne peux pas accoucher par voie basse. Je ne peux accoucher que par césarienne sinon je risque une fistule. Ce sont des séquelles qui sont sorties de l’excision, la peur de l’intimité. Je survis et j’essaie de me battre pour que personne ne soit excisée ».

 Malgré la souffrance qu’elle a vécue, Aissatou n’a pas baissé les bras et elle s’est battue pour mettre en place une association qui lutte contre l’excision. « trois ans après, j’ai décidé de créer mon association et de mettre ma colère ailleurs.  J’ai mis ma colère dans les études, j’étais une très bonne élève et studieuse mais j’ai été très réservée. Parce que les 3 dernières années qui ont suivi personne ne me reconnaissait, je ne parlais plus à personne et je manquais de respect à tout le monde », se souvient-elle avec tristesse. 

« L’association est née en 2008 et 17 ans plus tard nous sommes à 95% de filles qui n’étaient pas excisées »

« Je me suis battue pour que les filles ne soient pas excisées. Quand j’ai créé l’association pour le maintien des filles à l’école (AMFE) nous étions 7 et toutes des victimes. L’année qui a suivi nous étions plus de 20. L’association est née en 2008 et 17 ans plus tard nous sommes à 95% de filles qui n’étaient pas excisées », se réjouit-elle.  Les filles qui mènent le plaidoyer et qui parlent aux chefs de village ne sont pas excisées, selon elle, nous avons réussi à enrôler d’anciennes exciseuses, les chefs de villages, les préfets, les sous-préfets, les médecins chefs. « Moi je m’en suis sortie mais aujourd’hui bon nombre de mes copines et parents souffrent de fistule à cause de l’excision. Nous accompagnons énormément de femmes qui souffrent de fistule car elles n’ont pas eu la chance d’avoir un gynécologue qui leur dit que vous ne pouvez pas accoucher par voie basse. Elles ont accouché dans leurs cases, dans la pirogue en pleine traversée ou sur la charrette parce qu’elles essayaient de se rendre au poste le plus proche », se désole-t-elle. Avant d’ajouter qu’il faut que cela cesse parce que trop de personnes meurent à cause d’un égo surdimensionné qui est en train de vaciller au-dessous de cette communauté patriarcat. « Je pense que ce combat n’est pas seulement celui des femmes, les hommes doivent être impliqués et au premier rang ; il faudrait qu’on leur explique parce que mon expérience m’a montré qu’il faut en discuter de manière plus posée avec les religieux et les hommes culturels, les choses peuvent avoir un impact ». Awa a connu l’excision à l’âge de 9 ans et ce jour ne l’a jamais quittée. « Elles m’ont coupée au couteau, sans anesthésie. Avec juste un morceau de tissu dans la bouche pour étouffer mes cris », raconte t-elle les larmes aux yeux. Aujourd’hui âgée de 25 ans et résidant à Kolda dans le sud du Sénégal, Awa est devenue une activiste contre l’excision et les mutilations génitales féminines (MGF) en général.  « Une de mes plus grandes fiertés est d’avoir pu faire changer d’avis ma grand-mère, celle qui nous a excisé ma sœur et moi. Aujourd’hui elle a déclaré officiellement son abandon des mutilations génitales féminines », confie-t-elle. En effet, l’excision consiste à enlever à une fille une partie de son sexe. Selon les cultures on lui coupe une partie du clitoris, ou le clitoris en entier ou encore en plus du clitoris les petites et grandes lèvres.  Cette pratique est considérée comme une violence dans de nombreux pays, car ses conséquences sont très graves sur la santé de ces femmes. La principale raison avancée par les acteurs de l’excision est la sexualité, c’est à dire qu’elle doit réduire la libido de la femme et garantir qu’elle n’aura pas de rapports sexuels avant le mariage et qu’elle restera fidèle à son mari pendant sa vie d’épouse. Il existe de plus un point de vue partagé par certains selon lequel l’excision renforcerait le plaisir sexuel des hommes. Cependant, cette pratique est condamnée au Sénégal par des lois.  La première législation au Sénégal à interdire expressément les MGF a été l’article 299 bis introduit en janvier 1999 dans le Code pénal 2 de 1965 (Article 299 bis). C’est la principale loi au Sénégal qui incrimine et punit la pratique des MGF. Article 299 bis « Sera puni d’un emprisonnement de six mois à cinq ans quiconque aura porté ou tenté de porter atteinte à l’intégrité de l’organe génital d’une personne de sexe féminin par ablation totale ou partielle d’un ou plusieurs de ses éléments par infibulation, ou par tout autre moyen. La peine maximum sera appliquée lorsque ces mutilations sexuelles auront été réalisées ou favorisées par une personne relevant du corps médical ou paramédical. Lorsqu’elles auront entraîné la mort, la peine des travaux forcés à perpétuité sera toujours prononcée. Sera punie des mêmes peines, toute personne qui aura par des dons, des promesses, influences, menaces, intimidations, abus d’autorité ou de pouvoir, provoqué des mutilations sexuelles ou donné les instructions pour les commettre ».

« Il y’a 19 condamnations avec des peines prononcées depuis l’adoption de la loi en 1999 »

Selon le coordonnateur des mutilations génitales féminines (Mgf) Mamadou Ndoye, les disparités notées sur les MGF sont liées au fait que les MGF sont une pratique dont les déterminants sont l’ethnie, la géographie et même la religion. A l’en croire, les régions frontalières qui polarisent les ethnies pratiquantes sont les zones les plus pratiquantes contrairement aux régions du centre. « Il y a donc des groupes ethniques chez qui la pratique est plus répandue. Dans ces régions la pratique est intégrée dans les mœurs et coutumes et souvent même la religion sert de prétexte pour la légitimer ».  Interpellé sur les localités qui faisaient la pratique et qui ont abandonné, M. Ndoye souligne qu’il y a des localités qui faisaient la pratique et qui après des programmes de renforcement des capacités ont fait des déclarations d’abandon de la pratique, il s’agit des régions frontalières comme Ziguinchor, Matam, Sédhiou, Kolda, Tambacounda, Kédougou et même dans les régions de Kaolack et Fatick.

« On est a plus de 7000 communautés qui ont fait des déclarations publiques d’abandon de l’excision au Sénégal depuis 1999 avec la déclaration de Malicounda ». Pour ce qui est des condamnations, il révèle qu’il y a 19 condamnations avec des peines prononcées depuis l’adoption de la loi en 1999. « La loi est appliquée même si la dénonciation pose problème parce que dans notre société le fait de dénoncer quelqu’un est mal vu. C’est pourquoi nous avons privilégié la dénonciation anonyme à travers la ligne verte 116 du ministère de la Famille ».

 L’implication des hommes constitue un facteur déterminant, selon lui, dans la promotion de l’abandon de la pratique et les données ont montré que les hommes sont plus engagés que les femmes dans l’abandon de la pratique.

« Aussi la prise en compte des valeurs culturelles est aussi un levier important pour amener les communautés à abandonner », affirme-t-il. En outre, il ajoute que la prévalence a baissé. « De 16% on est à 12,9% pour les filles de moins de 15 ans en 2023. Selon l’enquête démographique et de santé continue 2023. Pour les femmes de 15 à 49 ans, la prévalence est passée de 25 à 20,1 % en 2023. Mais la pratique persiste même si la tendance baissière continue »souligne-t-il.

Les différents types de l’excision

Il y a le type 1 appelé clitoridectomie c’est-à-dire une ablation partielle ou totale du clitoris et/ou du prépuce. Pour ce qui est du type 2 appelé excision, c’est une ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres, avec ou sans excision des grandes lèvres. La quantité de tissus enlevée varie fortement d’une communauté à l’autre. C’est une pratique principalement présente en Afrique. Seuls 3 pays n’ont pas encore adopté de loi contre ces pratiques : le Libéria, la Sierra Leone et le Mali. La pratique de l’excision est également présente au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique Latine.

Risques d’infection accrus

Si ces violences persistent encore, c’est surtout en raison des inégalités entre hommes et femmes dans nos communautés, ainsi que des superstitions et valeurs patriarcales qui cristallisent les fantasmes autour du corps de la femme. En plus d’être une violation extrême de leur dignité et de leur liberté, les mutilations génitales entravent la santé mentale et sexuelle des femmes.  

Les chiffres de l’excision

Coordonnateur du programme de lutte contre les MGF, Dr Mamadou Ndoye estime que la prévalence nationale des MGF est de 12,9% pour les filles de moins de 15 ans.  A l’en croire, 16,4% des filles de 15 à 19 ans. 20 -24 ans :20%. 25 – 29 ans :22,8%. 30 -39 ans : 20,8%. 40 -49 ans : 22%. Les régions affectées : Dakar (13%) Sédhiou (80,9), Kédougou (71,3%), Matam (83%), Kolda (68,4%), Ziguinchor (47,3%)”La source c’est l’enquête démographique et de santé continue 2023. Pour une meilleure lecture de la prévalence selon les âges et les disparités selon les régions, Nord, Sud, Ouest et Centre, on pourrait réécrire cette partie qui est très intéressante.  Cependant, des stratégies sont mises en place par l’Etat comme la mise en œuvre de la stratégie nationale pour l’abandon des MGF 2022- 2030 et la publication régulière des données de l’EDS continue par l’ANSD, l’existence du comité technique national sur les MGF présidé par le ministère de la Famille et des solidarités, la disponibilité des argumentaires religieux et sanitaires, les données avec la publication régulière des données de l’EDS continue par l’ANSD

DR MOUHAMADOU MOUSTAPHA SECK, GYNÉCOLOGUE 

« Il peut y avoir aussi des hémorragies qui peuvent même entraîner la mort par perte de sang incontrôlée » 

L’excision fait des ravages au Sénégal. La pratique est de plus en plus récurrente au sein de nos communautés. Cependant, elle n’est pas sans conséquence sur le plan physique mais aussi psychologique. Selon, le gynécologue Dr Mouhamadou Moustapha Seck, il peut y avoir aussi des hémorragies qui peuvent même entraîner la mort par perte de sang incontrôlée.   

1)Quelles sont les conséquences sur le plan de la santé de l’excision

Les conséquences sont de deux ordres on peut avoir des complications aigues par exemple au cours de l’acte d’excision, il peut y avoir une douleur très vive et les parties génitales sont très vascularisés et ce sont des douleurs   syncopales qui peuvent même entrainer une perte de connaissance.  Il peut y avoir aussi des hémorragies qui peuvent même entraîner la mort par perte de sang incontrôlée. 

Quelques jours après, il peut y avoir une infection au niveau de la plaie. il peut y avoir des complications urinaires. La nouvelle excisée peut avoir des problèmes pour faire sortir normalement ces urines 

2)Quels sont les problèmes rencontrés par une excisée 

A distance, ce sont des problèmes au niveau des rapports sexuels parce qu’il faut que l’infibulation soit réparée. Les parties qui ont été cousues peuvent être décousues pour que l’acte sexuel puisse être fait pendant le mariage sinon plus tard il peut y avoir des problèmes de frigidité, perte de désir et plaisir pendant l’acte sexuel. Il y a les complications psychologiques parce que les séquelles psychologiques sont non négligeables et elle peut poursuivre l’excisée durant toute son existence. 

3)Est ce qu’une femme excisée peut avoir des difficultés pour avoir un enfant

Pendant l’accouchement si toutefois il y a une grossesse, il peut y avoir des déchirures lors du passage du fœtus parce que l’orifice vulvaire et vaginal sont réduits donc il peut y avoir des problèmes lors de l’expulsion du fœtus avec l’installation de déchirure qui peuvent être à tous les niveaux de la partie génitale et être très difficile à réparer avec toutes leurs complications comme l’hémorragie, perte de sang, infection, difficulté pendant les rapports sexuels si toutefois ces déchirures ont été mal ou insuffisamment réparées. 

Il nous arrive de voir des excisées qui ont été opérées tout simplement parce qu’il n’y a pas une possibilité d’admettre une voie basse lors de leurs accouchements parce que l’orifice est extrêmement réduit et ne permet pas un accouchement par voie basse. C’est un type de malade que l’on doit opérer de façon préventive.

Cet article a été réalisé par l’Africa Women’s Journalism Project (AWJP) avec le soutien du Centre International des Journalistes (ICFJ) dans le cadre de la Bourse Reportage pour les Journalistes Femmes en Afrique Francophon.

Mame Diarra DIENG

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