« J’ai mal à ma France », a notamment tweeté Antoine Griezmann.
SPORT – Et si les sportifs français, longtemps timides dès qu’il s’agissait de débat public, décidaient d’imiter les Américains? La vidéo du passage à tabac d’un homme noir par des policiers à Paris a suscité l’indignation de plusieurs grands noms, derrière Antoine Griezmann et Benjamin Mendy.
« J’ai mal à ma France », a tweeté Griezmann ce jeudi 26 novembre, accompagné de la vidéo du média Loopsider montrant un producteur appelé « Michel » roué de coups par des fonctionnaires de police dans l’entrée d’un studio de musique du XVIIe arrondissement de la capitale.
L’attaquant-star des Bleus mentionne le compte du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, lequel a annoncé la suspension de trois agents après le tollé suscité par la vidéo, retweetée plus de 125.000 fois.
L’attaquant-vedette de l’équipe de France et du PSG Kylian Mbappé a lui aussi dénoncé sur Twitter les images, « une vidéo insoutenable » et « des violences inadmissibles ».
Ces prises de position interviennent alors que la France est plongée dans un débat houleux sur les violences policières et la proposition controversée de loi « sécurité globale », qui prévoit entre autres de pénaliser la diffusion malveillante d’images de policiers et est vivement combattue par des ONG et syndicats de journalistes.
« Sans les vidéos il se serait passé quoi pour Michel? On aurait préféré croire la version des policiers sous serment? #commedhab », tweete le champion du monde Benjamin Mendy, accompagné d’une photo du slogan « Qui nous protège de la police? » collé sur un mur.
« Contre cette frange de policiers qui outrepasse grandement ses droits en tabassant, en tuant même parfois. Nos caméras sont nos meilleures armes! », abonde l’international Espoirs Jules Koundé.
« Continuez à tout filmer! »
La France est régulièrement secouée et divisée par des affaires de violences commises par les forces de l’ordre, parfois mortelles, comme dans les cas de Cédric Chouviat, livreur mort étouffé après son interpellation en janvier 2020, ou d’Adama Traoré, mort en 2016 dans la foulée de son interpellation par des gendarmes.
Samuel Umtiti et les basketteurs NBA Rudy Gobert et Evan Fournier se sont également immiscés dans les débats.
Leurs prises de position sont d’autant plus fortes qu’elles sont rares en France, où les sportifs engagés comme Dominique Rocheteau, Lilian Thuram ou Vikash Dhorasoo ont toujours été très minoritaires.
Un mouvement qui semble suivre la tendance aux États-Unis, où se positionner sur les sujets de société n’est plus tabou pour les sportifs.
Le joueur de football américain Colin Kaepernick, première star du sport à dénoncer le racisme et les violences policières aux États-Unis, avait ouvert la voie en 2016, au prix de sa carrière sportive. Tout comme la très militante footballeuse Megan Rapinoe, dont la victoire à la Coupe du monde 2019 a servi de porte-voix à son combat pour l’égalité salariale et contre Donald Trump.
« Black Lives Matter » s’exporte?
En 2020, la mort de George Floyd, père de famille noir tué lors d’un contrôle de police à Minneapolis, a fait sortir de leur silence de nombreux sportifs des ligues majeures nord-américaines.
En basket, les joueurs de NBA, la superstar LeBron James en tête, et les joueuses du Championnat WNBA se sont largement mobilisées pour le mouvement « Black Lives Matter » (« La vie des Noirs compte »). Rapidement rejoints par d’autres athlètes et franchises de baseball, football ou hockey sur glace.
Le genou à terre, geste symbole de cet engagement, a ensuite fait le tour du monde, y compris repris par des footballeurs français comme l’attaquant de Mönchengladbach Marcus Thuram, fils de Lilian.
Et fin octobre, plusieurs figures du foot français s’étaient immiscées dans le très sensible débat autour des caricatures de Mahomet, le prophète de l’islam, après l’assassinat du professeur Samuel Paty pour avoir montré ces dessins en classe.
Presnel Kimpembe, Karim Benzema ou Mamadou Sakho avaient « liké » un message sur Instagram du sulfureux lutteur russe Khabib Nurmagomedov dénonçant ces caricatures.
Kimpembe avait ensuite rétropédalé, retirant son « like » et affirmant sur Twitter « Je fais du sport, pas de la politique. Je ne parle pas russe non plus. Je condamne fermement le terrorisme, toutes formes de violence sans aucune réserve, et toutes les tentatives de manipulation nauséabondes ».