Le secrétaire général du syndicat des professionnels de l’information et de la communication a rappelé au Chef de l’Etat les maux dont souffre la presse sénégalaise. Bamba Kassé a saisi l’occasion pendant son discours du 1er Mai 2021 pendant la traditionnelle présentation des cahiers de doléances….voici l’intégralité
Excellence Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Madame la Présidente du Haut Conseil des Collectivités Territoriales,
Monsieur le Président du Conseil Economique Social et Environnemental
Monsieur le Ministre du Travail,
Mesdames, Messieurs les membres du Gouvernement,
Distingués membres du Patronat,
Camarades Secrétaires Généraux,
Mesdames, Messieurs, en vos rangs et qualités respectifs
Chers Membres de la Digne Famille de la Presse et de la Communication
Excellence Mr le Président de la République,
Permettez, avant tout que je m’incline devant la mémoire de nos illustres disparus, militants infatigables de la cause des journalistes, qui nous ont quitté par la volonté du Seigneur. Je veux nommer tous les journalistes, techniciens et membres de la famille des médias qui ont fini leur mission sur terre.
Permettez ensuite Monsieur le Président de la République que je fasse du Fast Track, et donc de ne pas rappeler tous les principes qui fondent dans notre République, la Place privilégiée que l’on accorde depuis la nuit des temps à la presse.
Exit donc tout rappel de l’article 8 de notre Constitution, et des droits et privilèges qu’il accorde aux Citoyens. Permettez juste que j’en cite deux : Les Libertés Syndicales ! et le Droit des Sénégalais à disposer d’une Information plurielle.
Ainsi donc Monsieur le Président de la République, permettez que je me joigne à vous pour étaler tout mon désarroi d’avoir appris au mois d’avril dernier que le Sénégal, en lieu et place de la 47e place dans le classement de RSF en 2019, occupe désormais la 49e place ! Soit un recul de 2 places ! Dans le concert des standards qui caractérisent les régimes démocratiques, nous avons ainsi vu l’image lisse et policé de notre pays, prendre un léger coup de griffe.
La question légitime est alors : POURQUOI ?
Pourquoi Dakar qui accueille la quasi-totalité des organisations internationales de la Presse qui y ont leur siège africain, est subitement pointé du doigt comme n’étant plus à SA PLACE ?
Entre autres réponses Monsieur le Président de la République et sans faire dans la Langue de Bois, le Sénégal a reculé parce que la Presse Sénégalaise a fait l’objet de multiples agressions, le plus souvent impunies.
Monsieur le Président de la République, la Presse Sénégalaise qui jadis et très récemment encore faisait la fierté de tous, est aujourd’hui Piétinée, Agressée, Menacée, attaquée, trainée dans la boue !
Alors qu’habituellement les quelques violations des droits des journalistes étaient à ranger dans la rubrique d’incidents à l’occasion notamment de déploiement de forces de l’ordre, aujourd’hui les Médias sont victimes d’un système de Guérillas à la sève Fasciste : On Cherche à leur faire peur ou à les faire taire !
Monsieur le Président de la République, en mars dernier le groupe Futurs Médias a fait l’objet d’attaques abjectes au cocktail Molotov ! Des véhicules y ont été incendiés et son personnel a dû se réfugier pour échapper à la furie qui aurait pu être meurtrière.
Le Quotidien Nationale le Soleil a également fait l’objet d’une tentative d’incendie et ses employés d’une tentative d’attenter à leur intégrité physique.
D’autres groupes de presse ont été la cible de tentatives d’attentat, qui heureusement n’ont pu se réaliser grâce à la réaction des forces de l’ordre, mais surtout parce que le concert de désapprobation avait fini de gagner l’opinion.
Auparavant Monsieur le Président de la République, des cameramen sénégalais et des journalistes ont vécu des situations d’insécurité inouïes ponctuées par des blessures graves, parfois au Sang !
Au banc des accusés Monsieur le Président de la République, il y a le Sénégal et les Sénégalais.
Le Sénégal, notre Etat qui tarde à se rendre à l’évidence qu’il lui faut réformer son secteur des médias qui, malgré des efforts considérables, demeure encore une Jungle où l’absence de contrôle des règles aidant, les plus puissants continuent d’écraser les plus faibles.
Monsieur le Président de la République, les Jeunes Reporters sortant d’écoles sont marginalisés, leurs conditions de travail sont des plus précaires. La convention collective n’est toujours pas appliquée et ils ne bénéficient d’aucune couverture ni sanitaire ni social. Dans la plupart des cas il s’entend. On ne parlera même pas de leur rêve légitime de pouvoir comme tous les travailleurs disposer un jour d’un logement décent fruit de leur labeur à leur retraite. Ils sont laissés à eux-mêmes par une grande partie du Patronat de Presse, plus délinquant à Cols Blancs, qu’entrepreneur engagé dans un secteur sacerdotal.
Que dire alors des Chargés de communication y compris ceux qui travaillent pour le Gouvernement ? Des Correspondants régionaux des médias ? Ils partagent tous le même sort ! Ils sont exploités pour à la fin d’une carrière très laborieuse, être jetés aux oubliettes. Résultat des courses, la qualité des productions journalistiques est de plus en plus basse, le travail est bâclé et de très bas niveau, et les populations plus exposés à des faits de propagandes politiques qu’à des Informations et des programmes Utiles.
Monsieur le Président de la République, hélas dans notre secteur médiatique, subsiste aujourd’hui des prédateurs, maitres chanteurs, qui se vendent au plus offrant ou au plus promettant, qui sont dans une logique de lobby et de positionnement, qui font dans la météo politique et se promettent un lendemain de membre d’un régime politique. Pour se faire, ces bandits jouent sur l’absence d’une vraie régulation et se réfugient derrière la grande Vague de la Connectivité qui caractérise le monde d’aujourd’hui.
Dans un contexte marqué par une régulation obsolète et faible, les dérives foisonnent.
Internet et ses excroissances sont hélas pensés par certains de nos compatriotes comme des zones de non droits où les Insultes, les Calomnies, les Jugements de valeurs, le manque de respect total à nos institutions et mêmes à nos chefs religieux sont monnaies courantes.
Dans un pays où la Loi sur la Publicité date de 1983, devrait on s’étonner que les Médias, surtout privés, dépourvus de ressources en viennent à privilégier les Clics et les Likes ? Devrait on s’étonner que des Youtubeurs, puissent sans coup férir, pirater les contenus des Médias, les détourner de leurs objectifs, les titrer à leur guise et en récolter le paiement ? et que dire du piratage entre médias, où l’on reprend en entier l’article d’autrui pour le comptabiliser au registre des Googles Adds ? Toutes pratiques qui sont délictuelles mais qui au Sénégal sont monnaies courantes.
Nous le voyons tous Monsieur le Président de la République, le secteur des Médias doit faire l’objet d’une réforme en profondeur qui permettra de disposer d’entreprises fortes, bien dotées en ressources et pouvant à la sueur de leurs innovations quotidiennes, renforcer la confiance du Public et ainsi engranger des ressources.
C’est à cette réforme que nous Invitons l’Etat du Sénégal avec notre projet d’assise des Médias. A l’issue de cette réforme nous espérons un contrôle plus strict des conditions d’existence légale des entreprises de presse. Si elles s’y conforment, l’Etat devrait en sus de considérer la presse comme un secteur prioritaire, veiller à ce qu’il s’y exerce un travail de qualité par des ressources humaines dont les besoins primaires en tant que travailleurs seront pris en charge.
Pour terminer Monsieur le Président de la République, le Synpics vous avait fait part à vous et à votre Gouvernement d’une série de doléances particulières. Aujourd’hui deux ans plus tard, nous pouvons noter avec satisfaction que vos instructions sur ces questions ont été suivies d’effet. Pour la Maison de la Presse, les organes de gouvernance sont maintenant en place avec un Conseil d’administration et un ACP. Il ne reste qu’à élargir la base de représentativité des Médias au sein du Conseil d’administration où seuls le Synpics et le Patronat siègent, mais surtout Monsieur le Président de la République, nous continuons à demander à l’Etat, comme c’est le cas avec l’IPRES et la Caisse de Sécurité Sociale de permettre une gouvernance concertée de cet Outil.
La deuxième satisfaction porte sur la mutation Institutionnelle de l’APS, qui est désormais effective grâce aux décisions prises par son Excellence. Cependant force est de constater que les moyens pour disposer de nouveau d’une agence de presse très forte et servant de point d’équilibre de l’information, suit un rythme encore lent.
Excellence Monsieur le Président de la République, notre secteur est en péril. Nous sommes conscients des efforts que vous ne cessez d’ordonner à votre équipe. Mais nous constatons également que le rythme à la mode Fast-Track fait défaut.
Vive le Sénégal !
Vive la Presse !