Le manque d’eau dans la commune de Foundiougne en cette période de pandémie de Covid-19 a bouleversé le quotidien des femmes de cette localité. Ces dernières, qui jouent un rôle social et sanitaire, sont hantées par cette situation à l’origine d’instabilité dans les foyers. Toutes leurs activités se résument à la recherche du liquide plus que jamais précieux dans la presqu’île.
En cette fin de journée de mardi 29 septembre, le coucher du soleil offre une belle vue sur le débarcadère du port de Ndakhonga de Foundiougne. La douceur maritime commence à s’abattre sur la rive de cette ville cernée par les eaux. Il est 18 h 30. C’est l’heure de la descente !
Démarche nonchalante, Soukeye Ndong avance lentement sur la route qui mène au centre de la ville, une bassine remplie de sacs en plastique vides sur la tête, un seau à la main et le masque en tissu suspendu sur son menton. Son visage semble être affaibli par une journée éreintante. Elle tient à peine sur ses deux jambes engourdies par ses activités quotidiennes pour franchir le portail de sa maison, sise à une centaines de mètres de son lieu de commerce.
Pourtant ce n’est point la fin du calvaire pour cette veuve cinquantenaire, qui s’active dans la vente des fruits de mer et autres produits sur le port de Ndakhonga. Elle doit accomplir quelques tâches ménagères, mais aussi anticiper sur une laborieuse journée à venir. ‘’C’est comme ça qu’on planifie notre emploi du temps pour pourvoir faire notre commerce et gérer notre famille’’, explique-t-elle.
Le cauchemar des ‘’Dames de fer’’
Pour madame Ndong et d’autres femmes de la presqu’île, s’acquitter des tâches ménagères, relève d’un parcours de combattant. Car l’eau ne coule presque plus des robinets depuis bientôt trois ans. Elle est devenue plus que précieux dans la commune. C’est une denrée très rare qui hante l’esprit de ces femmes de Foundiougne et des villages environnants, qui, pour la plupart, s’activent dans le petit commerce et autres petits boulots.
Fatou Diouf dit mère Falla, présidente d’une association des femmes marchandes du port de Ndakhonga confie : ‘’Ici, ce sont les femmes qui ont en charge les ménages, Tout repose sur leurs épaules. Elles se donnent corps et âme pour entretenir leur famille. Mais avec les problèmes d’eau, surtout en cette période de Covid-19, la vie est très dure pour elles.’
Une situation qui a bouleversé le quotidien des femmes de toute la presqu’île. En particulier ces vendeuses qui ont érigé leur marché sur les flancs de l’embarcadère du port de Ndakhonga. ‘’Notre activité se résume presque à la cherche de l’eau. On passe des heures dans les ruelles de la commune à la recherche du liquide précieux avant de commencer d’autres activités qui nous permettent d’avoir des revenus’’, se désole Soukeye Ndong.
Dans la commune de Foundiougne et les villages environnants, la journée de ces femmes qui ont la réputation de ‘’dame de fer’’ commence avant les premiers champs du coq. Et pour avoir quelques bassines d’eau capables de satisfaire le besoin journalier d’une petite famille, il faut poireauter pendant presque quatre tours d’horloge aux points de distribution d’eau assurée par des camions-citernes.
‘’On se lève tous les jours à 4 heures jusqu’à 9 heures où 10 heures pour trouver de l’eau avant de vaquer à d’autres occupations. Cette situation a beaucoup impacté nos activités’’, regrette mère Falla. Diama Ndour, originaire du village de Soumb, village situé à 4 Km de Foundiougne, ajoute : ‘’Il faut avoir un bon planning pour gérer ses journées. Le soir, avant de me coucher, je fais quelques tâches ménagères et la cuisine. Le matin, de très bonne heure, on se bouscule au puits pour avoir de l’eau avant d’aller au travail. C’est vraiment pénible. Nous vivons un calvaire à cause du manque d’eau’’, se plaint-elle.
L’origine du problème
Situé au cœur du Sine-Saloum, à l’Ouest du Sénégal, la commune de Foundiougne compte 8000 habitants qui se partagent une presqu’île de 550 km2 trempés dans un bras de mer. Cette position géographique est à l’origine du malheur actuel des populations de la localité.
La nappe d’eau, tarie depuis plus de deux ans, est alimentée par l’eau de mer. Du coup, le liquide devient inutilisable. Ni pour les tâches ménagères encore moins pour boire ou se laver. La salinité de l’eau avait atteint un taux excessif poussant la SDE à fermer définitivement le robinet.
« Le premier forage du château d’eau date de 1952. La SDE avait jugé nécessaire de creuser un autre. Ce qui nous avait permis de faire le raccordement avec les villages de Thiaré et Soum. Au début, il n’y avait pas de problème. Mais après quelques temps, nous avons noté des anomalies et on a interdit la consommation de l’eau en 2017’’, expliquait Malick Thiam qui était le responsable de la Société des eaux (SDE) à Foundiougne.
Aujourd’hui avec l’avènement de Sen’Eau le problème demeure entier. L’alternative trouvée par les autorités, qui était de brancher le réseau de distribution d’eau de la commune de Foundiougne au forage de Mbeup, n’a pas donné les résultats escomptés. La situation semble même s’aggraver. ‘’On peut rester une semaine sans voir la couleur du liquide précieuse’’, se lamente Adama Senghor vendeur de sel.
Depuis trois ans, aucune solution durable n’est posée et les autorités ne veulent plus se prononcer sur la question. Nous avons essayé de joindre le maire de la commune pour en savoir plus. Mais nos tentatives sont restées vaines.
Ces femmes insulaires ne sont donc pas sorties de l’auberge. Elles continuent de courir derrière les camions-citernes qui sillonnent la ville pour offrir quelques goutes d’eau.
Malice de la Covid-19
Ce problème plus ressenti par les ‘’anges gardiennes’’ est accentué par la Covid-19. ‘’Tout le monde sait que pour respecter les mesures barrières en cette période, il faut avoir de l’eau. Ici à Foundiougne, il est plus facile d’avoir de l’or que l’eau. Et on fait tout pour que les gestes barrières soient respectés dans les maisons. Le coronavirus a accentué notre souffrance’’, informe Fatou Diouf.
Le couvre-feu et les mesures de restriction avaient aussi négativement impacté leurs activités commerciales. ‘’Les choses sont presque à l’arrêt depuis le début de la pandémie. Auparavant, je pouvais vendre 50 000 F Cfa par jours. Aujourd’hui, c’est même impossible d’avoir 15 000 par jour’’, se désole mère Falla.
Pour s’en sortir, elle était obligée de puiser à la caisse de leur association pour soutenir ses membres. ‘’Chaque membre de l’association cotise chaque jours 500 F Cfa, renseigne-t-elle. On avait une somme considérable, mais avec la crise de la Covid-19, on était obligé de prendre cet argent pour venir en aide les uns et les autres.’’
Originaires pour la plupart des villages de Thiaré (2 km de Foundiougne) ou de Soum (4 km de Foundiougne), les lavandières font aussi partie de la frange des femmes qui ont plus de peine dans leur boulot. Elles font presque une dizaine de km, tous les jours, à la recherche du travail. Nous avons suivi l’une d’entre elles jusqu’à Soum pour savoir un plus sur leur quotidien.
Regroupées autour d’une association nommée Khodiame Diakhame (nom d’une des initiateurs de l’association qui est décédée), elles se retrouvent, les soirs, chez leur présidente, Fatou Faye pour faire le point. Et Aujourd’hui, les choses vont de mal en pis. Elles ne savent plus à quel saint se vouer. ‘’Vous avez vu l’heure à laquelle on revient à la maison (19 heures). Et c’est n’est pas pour se reposer. Parce qu’on doit s’occuper aussi de nos enfants et de la maison. En cette période de Covid-19, on ne peut laisser les saletés à la maison. Mais avec le manque d’eau, c’est difficile de respecter les gestes barrières à plus forte raison faire le linge de nos clients’’, soutient Fatou Faye