Après une longue attente, le démocrate Joe Biden a passé le cap des 270 grands électeurs nécessaires pour s’installer à la Maison Blanche. Donald Trump a-t-il déjà préparé sa valise ? Et pour quelle destination ? Franceinfo imagine sa vie d’après.
Donald Trump a beau accuser Joe Biden de se présenter « faussement en vainqueur » après l’annonce des résultats définitifs de l’élection présidentielle, le président sortant a bien perdu. La Pennsylvanie a permis à son rival démocrate de passer, samedi 7 novembre, le cap des 270 grands électeurs nécessaires pour remporter l’élection. Le républicain avait-il vraiment envisagé le « monde d’après » la Maison Blanche ? Donald Trump avait plusieurs fois fait référence, pendant sa campagne, au scénario de la « lose » : une « défaite contre le pire candidat qui soit », à ses yeux, le démocrate Joe Biden.
« Si je perds contre lui, je ne sais pas ce que je ferai », déclare-t-il dans une vidéo réalisée par le Washington Post*, dans laquelle sont compilées ses références à une possible défaite. « Je ne vous parlerai plus jamais », lance-t-il à la foule rassemblée en son honneur, le 20 septembre, en Caroline du Nord. « Je ne pourrai plus jamais revenir en Pennsylvanie« , déclare-t-il, le 14 octobre, en déplacement dans cet Etat industriel. « Peut-être que je quitterai le pays », suggère-t-il carrément, deux jours plus tard en Géorgie. La défaite est souvent difficile à avaler pour un tel « winner ». Franceinfo a étudié les différentes possibilités qui s’offrent à Donald Trump.
Du golf, du golf et encore du golf en exil ?
Donald Trump lui-même avait évoqué cette hypothèse en 2016. Alors même qu’il n’avait pas encore décroché l’investiture du parti républicain, le magnat de l’immobilier s’imaginait déjà, pour les besoins de la rhétorique, renoncer à ses rêves de Maison Blanche et s’exiler dans son complexe écossais. « Je ne pense pas que je vais perdre, mais si c’est le cas, je pense que vous ne me reverrez plus, les amis. J’irai à Turnberry, jouer au golf ou que sais-je », avait-il déclaré.
Le jour de l’élection, un Donald Trump convaincu de perdre face à Hillary Clinton avait fait cette confidence à son collaborateur Anthony Scaramucci. Il disait avoir « fait préparer un avion privé prêt à décoller de l’aéroport de JFK le lendemain matin pour l’emmener jouer au golf dans sa propriété écossaise », raconte le New Yorker*, citant l’éphémère directeur de la communication de la Maison Blanche.
Ce scénario est-il encore valable en 2020 ? Donald Trump n’a jamais renoncé à sa passion pour le « green ». Depuis son investiture, le président s’est rendu à 283 reprises dans un club de golf, selon le site TrumpGolfCount*. Dans l’un de ses scénarios, le New Yorker l’imagine quitter le pays. Donald Trump risque toutefois de trouver un accueil frisquet à Turnberry. Cité par The Independent*, le propriétaire d’un café du village prévient, à tout hasard, « qu’il ne serait pas très bien reçu s’il venait prendre ici son petit-déjeuner ».
S’il venait à l’idée du président sortant de quitter les Etats-Unis, Politico* s’est amusé à lui chercher un pied-à-terre paisible, avec accès à un golf accueillant bien sûr : selon le site d’actualité politique, il n’y aurait guère que la Russie, le Luxembourg, la Pologne et la Corée du Nord pour lui faire un accueil chaleureux.
La case prison ?
Pour d’autres observateurs et commentateurs, le président pourrait passer de la Maison Blanche à l’ombre. Détour par les tribunaux, voire case prison. Et pour cause, il ne bénéficiera plus de l’immunité présidentielle. Chez lui, à New York, Donald Trump est visé par deux enquêtes qui pourraient chacune lui valoir des poursuites : la première, pénale et initiée par le procureur de Manhattan Cyrus Vance, repose sur des soupçons de fraude fiscale, d’arnaque à l’assurance et de manipulations comptables. La seconde, au civil, a été lancée par la procureure de l’Etat de New York Letitia James. Il s’agit de déterminer si la Trump Organization a menti sur la taille de ses actifs pour obtenir des prêts et avantages fiscaux.
Surtout, ces deux procédures ne relèvent pas de la justice fédérale et concernent des faits antérieurs à son élection, ce qui les place hors de portée d’un éventuel « pardon présidentiel » qu’un successeur conciliant pourrait lui accorder. « Il a tellement d’affaires criminelles sur le dos ! » a réagi l’ex-procureur fédéral Nick Ackerman, connu pour avoir travaillé sur l’affaire du Watergate, interrogé par le Huffington Post. Egalement ex-procureur fédéral et avocat principal en charge de la procédure de destitution de Donald Trump devant la Chambre des représentants, Daniel Goldman affirme dans ce même article que le président pourrait en outre être accusé de corruption pour avoir gracié son conseiller Roger Stone, et d’extorsion, cette fois pour avoir, au cours de son mandat, tenté d’obliger l’Ukraine à salir la réputation Joe Biden.
Le New Yorker rappelle encore l’affaire des sommes versées en échange de son silence à l’actrice Stormy Daniels, et pour laquelle l’ex-avocat de Trump, Michael Cohen, a été condamné. Dans ce dossier était mentionné un complice non-nommé mais présenté comme un « individu » qui a « mené un campagne présidentielle victorieuse ». Autant de procédures qui menacent la liberté, mais aussi les finances de l’ancien président.
« Business as usual » ?
Selon la nièce du président – et opposante – Mary Trump, son oncle, qu’elle imagine aigri par la défaite pourrait revenir à ses anciennes amours : les affaires. « Trump va se décrire comme la meilleure chose qui soit arrivée à ce pays et penser : ‘ils ne me méritent pas, je vais aller faire quelque chose de vraiment important, comme construire une Trump Tower à Moscou' », confie-t-elle au New Yorker. D’autres connaisseurs du clan Trump et de ses habitudes imaginent un retour à sa carrière télévisuelle. Car tous s’accordent à dire que Trump ne renoncera pas facilement à la lumière des projecteurs. « Nous parlons d’un homme qui n’a pas été capable de passer un week-end entier dans un hôpital, malade du Covid-19, sans sortir faire coucou à ses fans », rappelle en effet Politico*.
Pour la chaîne CNN*, le journaliste Chris Cillizza voit dans sa boule de cristal le futur-ex-président faire les beaux jours de la petite chaîne câblée d’extrême droite OAN, dont il n’a – frustré par Fox News – cessé de faire la promotion. Autre option, le réseau NewsMax, détenu par un de ses proches.
Et si celui qui a donné son nom à des gratte-ciels, des jeux de sociétés et des steaks de bœuf, décidait d’apposer carrément sa marque sur une chaîne de télévision ? C’est ce qu’envisage CNN, notant qu’un tel projet cocherait toutes les cases convoitées par Donald Trump : « Pour commencer, cela lui donnerait la possibilité de se faire beaucoup d’argent. Puis, détenir son réseau télévisé lui permettrait de continuer à bénéficier de son exposition médiatique. A cela s’ajoute la possibilité de remodeler le Parti républicain à sa guise. »
Une présidence à vie (pour ses fans) ?
Traditionnellement, les présidents sortants se font discrets. Publication de mémoires, conférences, inauguration d’une bibliothèque à son nom, création de fondations… La retraite classique du « Commander in Chief » ne colle pas à la personnalité de The Donald. « Il veut en être. Il a été très efficace pour créer cet environnement politique sombre et chaotique. Cela lui confère de la puissance, même s’il n’est pas élu », commente pour Politico un observateur de la vie politique américaine.
Dans un long article spéculatif consacré à la vie d’après du président sortant, le site spécialisé aborde évidemment le scénario selon lequel Donald Trump refuserait de renoncer à la présidence. Au lieu de se battre auprès des instances de l’Etat pour faire valoir sa victoire, comme attendu par certains observateurs, Politico imagine la prolongation de sa présidence, sans titre ni Maison Blanche.
Sans les codes nucléaires, mais avec un accès direct et privilégié à ses fans via les réseaux sociaux et les contacts de ses millions de soutiens, le 45e président s’adresserait à sa base depuis « une réplique du bureau ovale, dans son hôtel, d’où il élaborerait la stratégie du Parti républicain et se répandrait en injures contre les injustices faites à ses supporters, utilisant Twitter pour organiser des manifestations et la résistance de cette MAGA-nation à travers le pays, arpentant le pays à l’occasion de parades navales et autres meetings », imagine Politico. De quoi empoisonner au passage la présidence de Joe Biden. Ou l’art de perdre en refusant, dans les yeux de ses supporters du moins, d’être un « loser ».