Six ans après sa signature, la Coordination des mouvements de l?Azawad, partie prenante des négociations, décrit des lenteurs dans son application.
L’accord dit d’Alger, pour avoir été négocié dans la capitale algérienne, est considéré par les partenaires du Mali comme un facteur capital pour stabiliser le pays. Or, en dehors de la cessation des hostilités entre les signataires, la mise en ?uvre des principales dispositions politiques de l’accord (régionalisation, développement, réconciliation) se fait toujours attendre. Surtout depuis la disparition d’un des principaux chefs des ex-rebelles du nord du Mali, Sidi Brahim Ould Sidati, jusque-là président en exercice de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), assassiné par balle à Bamako.
Un accord fondé sur cinq piliers
La CMA, alliance composée essentiellement d’anciens groupes armés indépendantistes touareg et nationalistes arabes qui ont combattu les forces maliennes dans le nord à partir de 2012, avait signé cet accord de paix en 2015 avec le gouvernement malien et une coalition de groupes armés loyale au pouvoir, la Plateforme. Parmi les principaux enjeux figuraient : la décentralisation de l’État malien, la démobilisation ou intégration des groupes armés et le développement économique du Nord Mali, la zone que les Touaregs appellent Azawad.
Les djihadistes qui avaient d’abord combattu avec les rebelles touareg et arabes avant de se retourner contre eux ne sont pas concernés par l’accord, et ont depuis étendu leurs agissements au centre du pays et au Burkina Faso et Niger voisins. La tourmente a depuis 2012 fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés, malgré l’intervention de forces onusiennes, africaines et françaises.
La CMA renvoie la balle aux dirigeants successifs
Pour la CMA, les « résultats » de l’accord ne sont pas « satisfaisants » a déclaré lors d’une conférence de presse à Bamako Mohamed Maouloud Ould Ramadane, un porte-parole de la CMA, citant notamment « les volets politiques, institutionnel » et l’opération DDR (désarmement, démobilisation et réinsertion des combattants). « La faute incombe au gouvernement. Le gouvernement précédent de IBK (Ibrahim Boubacar Keïta, renversé le 18 août par les militaires) a voulu jouer au dilatoire », a-t-il dit.
Il a également mis en cause l’équipe du président de transition Bah Ndaw, et son Premier ministre Moctar Ouane, renversée le 24 mai par les colonels auteurs de deux putschs en neuf mois.
Selon le Centre Carter, investi du rôle d’observateur indépendant au Mali, le processus de mise en ?uvre de l’accord ne progresse quasiment pas. Dans un rapport publié en décembre dernier, les experts ont rendu compte des principales causes des progrès limités enregistrés en 2020 : le manque d’engagement des parties ; la crise sociopolitique ayant conduit au coup d’État et à la mise en place de la Transition, ainsi que la pandémie de Covid-19.
Vers une relecture ?
Depuis, le pays a vécu un second coup d’État. « L’actuel Premier ministre malien Choguel (Kokalla) Maïga, qui était avant sa nomination farouchement contre l’accord de paix d’Alger, a parlé à sa nomination d’application intelligente de l’accord. On ne sait pas ce qu’il veut dire », a poursuivi Mohamed Maouloud Ould Ramadane. Choguel Maïga, nommé par le président de transition, le colonel Assimi Goïta, est à la tête d’une équipe de 28 membres, dont 2 appartenant à la CMA, et dominée par les militaires qui ont promis un retour des civils au pouvoir en 2022. Il avait le 13 juin, lors du premier conseil des ministres après sa nomination, dit vouloir procéder à une « relecture intelligente » de l’accord de paix.
Les « principes fondamentaux » de cet accord politiquement important seront respectés, avait-il ajouté en forme de gage apparent donné aux signataires, mais aussi aux partenaires étrangers du Mali, notamment Paris. Après des mois de tergiversations, le président de la République, Emmanuel Macron, a finalement annoncé, jeudi 10 juin la fin de l’opération Barkhane en vue de sortir la présence française au Mali du cadre strict d’une opération extérieure (« opex ») de forces conventionnelles pour la basculer le plus possible vers celui d’une « coopération » multilatérale. 5 100 soldats français sont déployés au Sahel depuis 2014. Cette annonce survient alors que le Mali, pays clé dans la région, a connu un deuxième coup d’État en mois d’un an, qui a un peu plus tendu les relations entre Paris et Bamako.