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Au Sénégal,  les cas de paludisme et de décès chez les enfants ont connu une hausse en 2021. L’Enquête sur les Indicateurs de la maladie en 2020-2021 (EIPS-2020-2021), révèle que  la prévalence est deux fois plus élevée en milieu rural (6 %) qu’en milieu urbain (3 %).

VIVIANE DIATTA

À l’instar des autres pays d’Afrique subsaharienne, le paludisme constitue l’une des principales causes de décès chez les enfants de moins de cinq ans au Sénégal. Dans les zones où il est endémique, sa transmission est élevée durant une certaine période de l’année, contribuant au développement d’une immunité partielle. Cependant, de nombreuses personnes, y compris les enfants, peuvent avoir des parasites du paludisme dans leur sang sans présenter de signes d’infection. Une telle infection asymptomatique contribue non seulement à la transmission du paludisme, mais augmente également le risque d’anémie et d’autres formes de morbidité associées chez les individus infectés. Au Sénégal, 5 % des enfants âgés de 6-59 mois dans les régions de Tambacounda, Kolda et Kédougou sont positifs au Test de diagnostic rapide (TDR). La prévalence du paludisme est deux fois plus élevée en milieu rural (6 %) qu’en milieu urbain (3 %). Du moins, selon les résultats de l’Enquête sur les Indicateurs du Paludisme au Sénégal en 2020-2021 (EIPS-2020-2021), exécutée par l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) en collaboration avec le Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP) du ministère de la Santé et l’Action sociale (MSAS).

En effet, les variations suivant les districts sanitaires révèlent des disparités importantes. Dans la région de Tambacounda, c’est dans le district de Tambacounda que l’on observe la prévalence du paludisme la plus élevée de 10 %. Parmi les districts de la région de Kolda, la prévalence du paludisme varie de 7 % à Vélingara et 6 % à Kolda à 2 % à Medina Foro Foulah. C’est à Saraya que la prévalence du paludisme est, de loin, la plus élevée 18 %.La prévalence du paludisme, relève le rapport, est plus faible parmi les enfants dont la mère a le niveau d’instruction secondaire ou plus que parmi les autres. Elle est à 3 % contre 6 %. Du quintile le plus bas au plus élevé, la prévalence du paludisme chez les enfants diminue, passant de 7 % à 0 %. L’enquête ENPS 2020-21 est conçue pour produire des indicateurs représentatifs au niveau de quatre zones géographiques et les districts sanitaires dans les trois régions du Sud  à savoir Tambacounda, Kolda et Kédougou.

Problèmes de comparabilité de la prévalence du paludisme dans les régions  cibles

Cette disparité du taux de prévalence dans les régions s’explique par le climat du pays. Le Sénégal a un climat de type soudano- sahélien, tropical au Sud et semi désertique au Nord. Il se caractérise par l’alternance d’une saison sèche de novembre à mi-juin et d’une saison humide et chaude de mi-juin à octobre. La pluviométrie moyenne annuelle suit un gradient décroissant du Sud au Nord du pays, passant de 1200 mm au Sud à 300 mm au Nord, avec des variations d’une année à l’autre. Cette situation induit une variation saisonnière voire géographique de la transmission du paludisme dans le pays. Selon l’enquête, on distingue deux zones  épidémiologiques. Il s’agit de la zone tropicale au sud et au sud-est, avec une transmission toute l’année qui culmine pendant la saison des pluies et une transmission plus faible pendant le reste de l’année, et la zone sahélienne au nord, avec une transmission plus élevée vers la fin de la saison des pluies et une transmission très faible pendant le reste de l’année.

En outre, souligne le rapport, entre les trois zones ciblées par l’enquête, il existe des différences en termes de climat, de températures et de pluviosité. Par exemple, dans la région de Tambacounda, la période de basses températures s’étale de juillet à février avec plus de fraîcheur aux mois de décembre et de janvier, la période de hautes températures se situant entre mars et juin. Dans la région de Kolda, les températures ambiantes les plus élevées de l’année sont enregistrées entre mars et septembre, s’établissant à plus de 30° C et pouvant même franchir la barre des 40° C. En revanche,  il est souligné dans le rapport que les températures sont plus faibles entre décembre et janvier, se situant entre 25° et 30°. La région de Kédougou connaît une période de basses températures, allant de février à juillet avec plus de fraîcheur aux mois de décembre et de janvier. Quant à la période de hautes températures, elle se situe entre mars et juin avec des maximas variant entre 34° et 42° et des minima de 21° à 25°. Les résultats relèvent qu’à cause de ces différences entre régions, il se peut que la saison de l’année à laquelle les données sont collectées soit susceptible d’affecter l’estimation de la prévalence du paludisme. Au cours de l’EIPS 2020-2021, les données ont été collectées entre la dernière semaine de décembre 2020 et la première semaine de février 2021. Pour la majorité des enfants, les données sur le paludisme ont été collectées en janvier.

78,8 % des décès chez les moins de cinq ans en 2021 contre 73 % des décès en 2020

D’ailleurs  le coordonnateur du Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP), Docteur Doudou Sène, a fait état, d’une hausse des cas de paludisme en 2021, notant aussi que les décès sont restés élevés chez les enfants de moins de cinq ans. ’’La situation du paludisme au Sénégal en 2021 montre une hausse des cas avec 536 850 contre 445 313 en 2020. Les régions de Kolda, Kédougou et Tambacounda sont toujours beaucoup plus touchées avec 78,5% des cas tous les âges’’, précise Dr Sène. Cette hausse des cas, selon Docteur Doudou Sène, est imputable à l’amélioration de la complétude des données, l’enrôlement des structures privées qui ne rapportaient pas leurs données et l’amélioration de la détection des cas avec augmentation des sites communautaires de prise en charge.

En plus de l’augmentation des cas de paludisme, il a indiqué que le nombre de décès est aussi passé de 373 cas en 2020 à 399 en 2021 avec 78,8 % des décès chez les moins de cinq ans en 2021 contre 73 % des décès en 2020. ’’La zone rouge qui polarise les régions de Kolda, Kédougou et Tambacounda, soit 23 % de la population générale, a enregistré 90 % des cas de paludisme, 64 % des cas graves, 58 % des décès de tout âge et 84 % des décès des moins de 5 ans’’, dénonce Dr Sène. Face à cette situation, la représentante de l’Organisation mondiale de la santé au Sénégal, Lucile Imboua, a estimé qu’il faut intensifier les innovations, les nouveaux médicaments et les nouveaux moyens de diagnostic.

L’Enquête Nationale sur les Indicateurs de Paludisme au Sénégal en 2020-21 (ENPS 2020-21) fait suite à celles réalisées en 2006 (ENPS 2006) et en 2008 (ENPS 2008). Elle a pour principal objectif de recueillir des informations sur la possession et l’utilisation de moustiquaires, de moustiquaires traitées et de moustiquaire imprégné d’insecticide (MII) au niveau de ménage,  sur les traitements préventifs intermittents (TPI) pour les femmes enceintes et sur les traitements antipaludéens pour les enfants de moins de cinq ans ayant une fièvre et finalement sur les prévalences de paludisme et de l’anémie sévère. 

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