Pour lutter contre les rixes, le procureur de la République de Paris a donné, fin mars, des directives aux magistrats pour renforcer la lutte contre le port d’arme
A quoi a tenu la vie de Yuriy, ce collégien de 15 ans retrouvé, il y a près de trois mois, inconscient sur la dalle de Beaugrenelle dans le 15e arrondissement de Paris, après avoir été roué de coups par des adolescents d’une bande rivale ? Assurément à une prise en charge médicale rapide et appropriée, mais également, peut-être, au fait que ce soir-là, ses agresseurs étaient certes équipés de bâtons, béquilles et marteau, mais n’avaient pas d’armes blanches. « La présence d’un couteau peut très rapidement faire basculer une bagarre en quelque chose de beaucoup plus grave, à l’issue parfois dramatique », insiste auprès de 20 Minutes, le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz, rappelant que depuis 2016, onze jeunes ont été tués dans la capitale au cours de ces rixes, dont la majorité n’avait pas 18 ans.
Pour lutter contre ce phénomène, le magistrat a fait passer, le 29 mars, des directives visant à renforcer la lutte contre le port d’arme. Consigne a ainsi été donnée au parquet que toutes les personnes interpellées avec une arme blanche, qu’elles soient ou non sur le lieu d’une rixe, soient quasiment systématiquement déférées. En 2019, ils n’avaient été que 37 % de mineurs et 46 % de majeurs à l’être. Fini donc la simple saisie de l’arme, parfois accompagnée d’un rappel à la loi. En fonction des profils et du contexte, ces derniers pourront se voir délivrer une interdiction de paraître dans certains quartiers allant jusqu’à six mois, un stage de citoyenneté voire être jugé en comparution immédiate dans les cas les plus graves.
« On peut assez facilement empêcher un passage à l’acte »
« Il y a trop d’armes en circulation », insiste le magistrat qui espère jouer sur l’aspect préventif d’une telle mesure et poursuivre ainsi un travail de fond engagé depuis quelques années avec la préfecture de police, la mairie, l’Education nationale, les bailleurs sociaux, etc. pour lutter contre les phénomènes de bandes. « Il ne faut pas grand-chose pour qu’une bagarre devienne extrêmement grave. Mais l’inverse est également vrai, on peut assez facilement empêcher un passage à l’acte », poursuit-il, rappelant que la majorité des jeunes impliqués dans des rixes sont inconnus des services de police, bien insérés, parfois bons élèves.
Si depuis le début de l’année une dizaine d’affrontements a été recensée à Paris, ces violences semblent néanmoins en perte de vitesse : 83 faits ont été dénombrés l’an dernier contre 159 en 2016. Une baisse que le magistrat met avant tout sur une connaissance plus fine du phénomène qui permet de désamorcer certains conflits en amont. Reste, que lorsqu’ils ont lieu les passages à l’acte sont toujours très violents. Et si ce n’est pas avec un couteau, c’est avec tout ce qui tombe sous la main des participants : battes de base-ball, pierres, tournevis… sont fréquemment utilisés dans ces affrontements. « Il y a une distorsion entre les profils de ces jeunes, la futilité des motifs et la gravité des conséquences », insiste Rémy Heitz.
Et sur ce point, la prévention est plus difficile à mettre en œuvre puisque, rappelle Rémy Heitz, « l’arme par destination devient une arme par l’usage qu’on en fait ». L’affaire Yuriy en témoigne : onze jeunes, presque tous mineurs, ont notamment été mis en examen pour « tentative d’assassinat ».