Des sachets d’eau en plastique et beaucoup d’ordures jonchent le canal qui traverse la ville de Rufisque. Une odeur nauséabonde se dégage. Malgré ce décor rebutant, les enfants jouent à côté du canal à ciel ouvert sans se soucier d’un éventuel danger. De l’autre côté, des commerçants de vaisselle, d’aliments, de beignets et autres friandises écoulent leurs produits sur les dépendances de cette canalisation d’où émanent des odeurs d’œuf pourri.
À «Thiokho», un des quartiers de Rufisque Ouest qui jouxte ce canal, la situation est pire. À partir de 18 heures, les gens n’osent plus ouvrir la bouche, nous explique Babacar Dieng, menuisier métallique. Son atelier se trouve à deux pas de ce système d’évacuation construit depuis les indépendances. «Personne n’a le courage de parler à partir de 18 heures à cause des moustiques qui envahissent nos demeures et lieux de travail», déplore M. Dieng. Selon lui, tous ces problèmes sont le fait d’une négligence des autorités locales et des populations. «Il y a des personnes qui viennent nettoyer une fois tous les trois mois. Mais leur travail n’a pas de suivi, c’est pourquoi la situation s’est empirée», se désole Babacar.
De l’avis d’une mère de famille, du nom de Maguette Dieng, les habitants sont les premiers responsables de cette situation. «Nous sensibilisons tous les jours, mais les gens refusent de nous écouter. Les femmes jettent leurs ordures dans le canal, alors que la poubelle se trouve juste à côté. C’est de la paresse.», fustige la quinquagénaire. Elle informe que de nombreux enfants sont tombés dans le canal en jouant. «Parfois nous entendons des cris et une fois dehors, nous voyons qu’un enfant est tombé en tentant de récupérer un ballon ou en rentrant de l’école. Cette situation est invivable», regrette Maguette. Si certains enfants ont pu être sauvés, à temps, ce n’est pas le cas de la fille de Fatou Cissé. «Mon enfant a perdu la vie dans le canal. Elle n’avait que 16 ans à l’époque. Elle cherchait du charbon et fut emportée par les eaux du canal», se rappelle la vieille dame, pointant du doigt la responsabilité des autorités. «Cette situation n’a que trop duré. Nous avons grandi avec ce canal, mais nous ne souhaitons pas qu’un autre accident se reproduise. Après chaque pluie, les eaux rentrent dans nos chambres réduisant à néant nos matériaux domestiques. En plus, ça limite nos déplacements», soutient Mme Cissé.
Défaut d’engagement citoyen
À Rufisque, particulièrement au quartier Thiokho, certains habitants continuent de jeter des ordures dans le lit de l’ouvrage. Ayant fait le constat, Khady Fall, une femme à la retraite, s’est engagée à nettoyer quotidiennement le quartier et à surveiller les enfants qui jouent aux abords. «Ce canal nous fait plus de mal que de bien. Il y a des personnes qui garent des voitures luxueuses et descendent avec des sachets d’ordures qu’ils déposent ici. Certains attendent le soir pour venir jeter des moutons morts», informe la dame, nouvellement désignée marraine de quartier (Badiénou Gokh). Pour elle, les choses pouvaient changer si les habitants étaient plus engagés dans le développement. «Les personnes aiment l’argent. Elles refusent de s’engager gratuitement. J’en vois de toutes les couleurs juste parce que je me suis proposée de nettoyer gratuitement les rebords du canal», regrette-t-elle. Khady Fall sollicite la construction d’une dalle pour couvrir le canal. «Aujourd’hui, le souhait des populations est que le canal soit complètement fermé. Car, les enfants tombent malades chaque jour et nous épuisons toutes nos ressources pour leurs soins médicaux», déplore Mme Fall qui estime que seule la couverture du canal peut les aider à vivre dans un environnement sain.
Sokhna Faty Isseu SAMB (Stagiaire)