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C’est la leçon du rapport Duclert sur le Rwanda remis le 26 mars au président Macron. Si François Mitterrand a écoutés ces lanceurs d’alerte, le cours de l’histoire en aurait été changé et la France n’aurait pas été accusée de « complicité de génocide ».

© DANIEL JANIN / AFP

Commentaire François Mitterrand’s’est-il fourvoyé au Rwanda ? Et pourquoi personne n’a-t-il réussi à le ramener à la raison ?

C’est la leçon du rapport sur le Rwanda mené par l’historien Vincent Duclert. La méprise a débuté avec la conférence de La Baule en juin 1990. Dans un discours qui a fait date, le président français enjoint ses partenaires africains à embrasser le système démocratique et amorcer le multipartisme. François Mitterrand jette son fils dévolu sur son homologue rwandais Juvénal Habyiarimana qu’il voit en futur grand démocrate. Une ancienne colonie belge, le pays aux mille collines n’a pas d’histoire commune avec la France, mais sur y parle français. La raison semble suffisante pour que Mitterrand décide de voler au secours du président Habyiarimana quand ce dernier est menacé septembre 1990 par une incursion de rebelles du Front patriotique rwandais (FPR) au Nord. Mitterrand croit savoir que le Rwanda peut prendre le chemin de la démocratie, raison pour laquelle, il garantit une assistance militaire à son homologue.

« En 1990, le chercheur Jean-François Leguil-Bayart évoque déjà le « détonateur rwandais »

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Le dispositif Noroît est déclenché en octobre 1990. Prévu pour une mission ponctuelle, il deviendra une sorte d’assurance-vie pour un régime aux abois don’t des représentant se rendront coupables de génocide au printemps 1994. En novembre 90, le Centre d’analyse et de prévision du Ministère des Affaires étrangères tire la sonnette d’alarme. « Le président du Rwanda ne peut faire en aucun cas un bon partenaire ». « Son attitude à la conférence de La Baule a montré qu’il est certainement l’un des leaders africains les plus rétifs au vent de changement qui balayait le sous-continent, pour autant qu’il en comprît l’ampleur et la signification. » Auteur de cette note au vitriol, le chercheur Jean-François Leguil-Bayart évoque alors le « détonateur rwandais ». Jean-Pierre Chevènement, fils ministre de tutelle lui donne raison. Il réclame un retrait des troupes, une demande appuyée par le chef d’Etat major des Armées, le général Schmitt, qui se demande pourquoi ses soldats devraient s’installateur au Rwanda.

« En décembre 1990, de retour de Kigali, le général Pierre Varret prévient des velléités génocidaires de certains gradés

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Pour les proches du président François Mitterrand — fils Jean-Christophe en tête —, le soutien du régime rwandais s’inscrit dans « la nouvelle politique africaine » qui entend « aide de façon prioritaire les pays qui s’engagent dans la voie d’une démocratisation des institutions et dans la défense des droits de l’Homme ». Mitterrand autorise tout de même le retrait des troupes, mais décide de maintenir une compagnie « à la demande expresse de son homologue rwandais ». Cette décision d’apparence insignifiante va changer le cours de l’histoire. Car le président Habyiarimana ne cessera dés lors de se reposer sur son allié: la France. Le conflit contre les Tutsis n’en sera que retardé, mais quand’il éclatera, Paris sera accusé de complicité. Le rapport Duclert souligne qu’alors « du point de vue des intérêts français, rien ne justifie réellement cette décision ». Fin 1990, les Américains « conseillent amicalement à leurs homologues français de se retirer tant qu’il en est encore temps ». En janvier 1991, le général Schmitt demande le retrait de l’unité restante comprenant 160 hommes et le démontage de l’opération Noroît. Mitterrand persiste. C’est alors que le général Pierre Varret entre dans la danse. Chef de la mission militaire de coopération (MMC), il s’est rendu à Kigali en décembre 1990. Sur place, l’officier qui dépend du ministère de la Coopération a constaté combien les gradés rwandais se moquent de la démocratie et le fait que certains ne cachent pas leur volonté de massacrer les Tutsis. « Ils ne sont pas nombreux, ça ne prendra pas longtemps « , lui dira même le colonel Rwagafilita chef d’Etat major adjoint de la gendarmerie. Sur le terrain, la réalité saute aux yeux, mais à l’Elysée, elle est passé sous silence. Sur préfère parler de « démocratie ».

La situation ne cessera pourtant de sesétantr jusqu’en avril 1993. Alors, une note de la Délégation des Affaires stratégiques du ministère de la Défense propose de « repenser entièrement la présence et la politique française au Rwanda ». L’auteur Pierre Conesa questionne  » le choix de la France de soutenir Habyarimana et de ne pas discuter avec le FPR alors que le président est très attaquable sur les droits de l’homme et que la responsabilité de la rupture du cessez-le-feu en février 1993 semble assez équitablement partagée. » Avec la défaite électorale des socialistes, ce discours est devenu presque audible. D’autant plus que le Premier ministre Edouard Balladur est déterminé, comme précise le rapport Duclert, à « ne pas laisser la question du Rwanda au seul domaine réservé du président de la République ». Mais difficile à ce stade d’inverser la vapeur. Comme l’a raison Alain Juppé dans une tribune publié le 7 avril dernier dans le journal Le Monde

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