Les présidents de la France, Emmanuel Macron, du Sénégal, Macky Sall, du Rwanda, Paul Kagamé, d’Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa, de la République démocratique du Congo, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, le président de l’Egypte, Abdel Fattah Al-Sissi, figurent parmi les signataires de ce document relayé par le président sénéglais via sa page LinkedIn.
Ce texte est cosigné également par les Premiers ministres du Portugal, António Costa, de l’Espagne, Pedro Sánchez Pérez-Castejón, de la Belgique, Alexander De Croo et par le président du Conseil européen, Charles Michel et les princes héritiers d’Arabie saoudite, Mohammed Ben Salman et de l’émirat d’Abou Dhabi, Mohammed Ben Zayed.
« La pandémie de Covid-19 nous a appris à ne plus prendre à la légère les crises qui éclatent loin de nous. Tout événement, où qu’il se produise, peut affecter l’ensemble de la population mondiale’’, ont fait observer ces dirigeants qui soulignent l’impératif de de « s’attaquer aux répercussions et à l’héritage que la pandémie laisse en Afrique ».
Pour ces chefs d ’Etat et de gouvernement, « si le choc sanitaire est à ce jour mieux maîtrisé en Afrique qu’ailleurs, il pourrait cependant y être plus durable, profond et déstabilisateur pour l’ensemble de la planète ».
En un an, « la pandémie a interrompu une dynamique de croissance qui s’était installée depuis vingt-cinq ans, désorganisé des chaînes de valeur et provoqué une recrudescence sans précédent des inégalités et de la pauvreté », ont-ils déploré.
Selon eux, si l’on n’y prend pas garde, « ce n’est pas seulement le continent africain qui risque d’être privé de l’accès à l’émergence, c’est le monde entier qui pourrait perdre un des futurs moteurs de la croissance mondiale ».
« L’Afrique possède tous les atouts pour surmonter le choc de la pandémie et tirer avec elle le monde entier vers un nouveau cycle de croissance durable », avec, la jeunesse la plus entreprenante et la plus innovante au monde, des ressources naturelles qui peuvent alimenter une base industrielle locale, un projet d’intégration continentale particulièrement ambitieux », ont-ils soutenu.
Toutefois, ils sont d’avis que le continent africain « ne dispose pas des instruments pour se relever d’un choc aussi massif qu’imprévu », pointant du doigt les limites actuelles de la solidarité internationale et l’inexistence de production de vaccins anti-Covid sur place.
Limites de la solidarité
« Alors que le Fonds monétaire international (FMI) estime que les pays africains auront besoin de 285 milliards de dollars [environ 234 milliards d’euros] de financements additionnels d’ici à 2025, il n’existe ni plan de relance, ni mécanisme de création monétaire en vigueur pour mobiliser de telles ressources », lit-on dans la Tribune publiée par le président Macky Sall.
Pour les signataires, au moment où d’ »autres régions entrevoient un relèvement rapide de leurs économies », « l’Afrique quant à elle, ne lutte pas à armes égales face à la pandémie ». Ainsi, elle, court « le risque » de faire face à une « crise économique et sociale » ne lui permettant pas d’ »offrir à sa jeunesse les opportunités qu’elle est en droit d’attendre ».
Selon eux, « la solidarité internationale a été au rendez-vous et a porté ses fruits dès le début de la pandémie », à travers notamment « la suspension immédiate du service de la dette par le G20 pour les pays les plus pauvres », et également, par des « aides financières exceptionnelles mises en œuvre par le FMI, la Banque mondiale et les autres bailleurs, y compris européens ».
« Mais les mécanismes sur lesquels nous avons fondé pendant plusieurs décennies cette solidarité trouvent aujourd’hui leurs limites. Ils sont fragilisés à court terme par l’urgence vaccinale et le risque d’une inégalité massive dans l’accès au vaccin. Ils sont fragilisés par le risque d’une grande divergence économique qu’aucun mécanisme d’urgence ne semble en mesure d’enrayer », ont-ils reconnu.
Forts de ce constat, ils sont ainsi d’avis que « le moment est venu de se projeter dans un cadre nouveau, dont l’ambition et l’audace doivent être comparables à celles d’un +New Deal+ ».
« Le premier cas d’application de cette démarche est l’accès aux vaccins », ont-ils indiqué, soulignant que « grâce aux mécanismes Covax et Avatt (…), des centaines de millions de doses seront livrées sans délai en Afrique dans les prochains mois. Mais ce n’est pas suffisant », selon eux.
Partenariats de production
Les signataires de cette tribune font également savoir que « la politique de vaccination est la plus importante politique économique en ce moment », avec des bénéfices qui se chiffrent en milliers de milliards de dollars, et un coût en milliards, soit, l’ »investissement avec le plus haut rendement qui puisse être fait à court terme ».
« Nous devons donc mobiliser des instruments innovants pour renforcer le financement de l’initiative ACT-A, dispositif lancé il y a un an pour aider les Etats pauvres, en manque de financements, afin notamment de permettre au continent africain d’atteindre le taux de couverture vaccinale défini par le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (CDC Afrique), entre 60 % et 70 % de la population », ont-ils préconisé..
Dans cette perspective, ils ont demandé à la FMI d’ »expertiser l’utilisation des droits de tirage spéciaux (DTS) pour financer ce plan de lutte contre la pandémie ».
La Déclaration de Rome du sommet mondial qui s’est tenu le 21 mai confirme que l’élément déterminant pour combattre les pandémies à venir consiste à transférer non seulement les licences, mais également le niveau d’expertise aux producteurs de vaccins des pays en développement, ont-ils ajouté.
« Dans l’attente de la conclusion d’un accord sur la propriété intellectuelle en cours de négociation à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’Afrique doit être capable de produire des vaccins utilisant la technologie à ARN messager et de conclure un accord, au sein de l’OMC, sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) », ont-ils soutenu.
Selon eux, « grâce à l’impulsion du sommet de Paris pour les dirigeants africains, européens et financiers, qui s’est tenu le 18 mai, des partenariats de production de ce genre vont être financés et vont prendre de l’ampleur dans les mois qui viennent ».
Santé, éducation et changement climatique
« Le deuxième volet de cette refondation est un investissement massif dans la santé, l’éducation et la lutte contre le changement climatique », ont fait valoir ces dirigeants du monde.
Il s’agit de « permettre à l’Afrique de sanctuariser ces dépenses sans remettre en cause les dépenses de sécurité et le financement des infrastructures, et sans retomber dans un nouveau cycle de surendettement ».
« A court terme, malgré les brillants succès de certains pays africains dans leurs capacités d’emprunter, la ressource ne viendra pas seulement des marchés financiers privés », font-ils observer, mettant l’accent sur la nécessité de « provoquer un choc de confiance au profit du continent africain ».
Le sommet de Paris a déjà permis de « consolider un accord en vue d’une nouvelle émission de droits de tirage spéciaux à hauteur de 650 milliards de dollars (32 mille 500 milliards de FCFA), dont 33 milliards (16 mille 500 milliards de FCFA) bénéficieront aux pays africains », ont-ils salué.
« Nous souhaitons maintenant aller au-delà, par un double engagement volontaire (…), d’abord celui de mobiliser pour l’Afrique une partie des DTS des autres pays bénéficiaires, ensuite, celui de permettre à des institutions africaines d’être parties prenantes dans la manière de mobiliser ces DTS et d’ouvrir ainsi la voie à une réponse panafricaine pour soutenir la reprise économique et les progrès vers les ODD2030 », ont plaidé les signataires.
Cette réallocation, via les institutions financières internationales, devrait permettre d’atteindre, comme premier pas, un premier seuil de 100 milliards de dollars au bénéfice du continent africain et d’autres pays vulnérables, tandis que l’innovation ouvrira la voie à une refonte de notre architecture financière internationale, faisant davantage de place aux institutions africaines, ont-ils expliqué.
Financer l’entrepreneuriat
Dans cette tribune, les signataires ont fait un plaidoyer fort au profit du financement de l’entrepreneuriat en Afrique considéré comme « le principal levier pour donner un avenir aux femmes et à la jeunesse africaine du continent, mais, prisonnier d’une économie informelle et du sous-financement », appelant l’ »ensemble des membres de la communauté internationale à rejoindre ce double engagement ».
« C’est pourquoi, sur la base des engagements pris au sommet de Paris, il faut maintenant prioriser l’accès au financement de l’entrepreneuriat africain, en ciblant tout spécifiquement les phases les plus cruciales comme celles de l’amorçage des projets », ont soutenu ces dirigeants du monde.
Ils ont par ailleurs rappelé que le but du Sommet de Paris a consisté à parvenir à un accord sur quatre objectifs : l’accès universel aux vaccins contre le Covid-19, notamment par leur production en Afrique, le renforcement des institutions panafricaines et des postes au sein d’une nouvelle architecture financière internationale, une relance des investissements publics et privés, et un soutien en faveur du financement à grande échelle du secteur privé africain.
« Notre tâche dans les mois qui viennent, va consister à faire progresser ces objectifs dans les enceintes internationales, ainsi que dans le cadre du prochain mandat de six mois de la France à la présidence du Conseil de l’Union européenne », ont-ils déclaré.
MK/ASB/AKS