Le Parlement péruvien a élu lundi le député centriste Francisco Sagasti président par intérim, après une semaine de chaos politique qui a vu se succéder pas moins de trois chefs d’Etat.
Surnommé le « Don Quichotte » pour sa barbe chenue, Francisco Sagasti, un novice en politique âgé de 76 ans, petit-fils d’un héros de la guerre du Pacifique contre le Chili à la fin du XIXe et issu d’une famille originaire d’Autriche, a été élu président du Parlement par les députés et devient automatiquement chef de l’Etat.
Normalement, quand le président du Pérou est destitué, c’est le vice-président qui assure l’intérim. Mais le pays n’a plus de vice-président depuis une précédente crise politique survenue il y a un an, et dans ce cas c’est le président du Parlement qui devient chef de l’Etat par intérim, selon les dispositions de la Constitution.
« Ce qui manque à notre pays en ce moment, c’est la confiance. Faites-nous confiance, nous agirons comme nous le disons », a déclaré devant le Parlement M. Sagasti, qui sera officiellement investi mardi.
Francisco Sagasti a mentionné dans son intervention les deux manifestants morts samedi au cours d’une manifestation réprimée par la police. « Quand un Péruvien meurt, et plus encore s’il est jeune, c’est tout le Pérou qui est en deuil. Et s’il meurt en défendant la démocratie, le deuil est aggravé par l’indignation », a-t-il déclaré.
Elu avec 97 voix sur 123 suffrages exprimés, M. Sagasti était le seul candidat. Son mandat court jusqu’au 28 juillet 2021, date à laquelle devait s’achever celui du président Martin Vizcarra, destitué le 9 novembre.
La destitution de ce président populaire, mis en défaut par une procédure expéditive qui témoigne de la fragilité des institutions péruviennes, a plongé le pays de 33 millions d’habitants dans une énième crise politique.
Son remplaçant, l’ex-chef du Parlement Manuel Merino, a annoncé dimanche, cinq jours seulement après son accession au pouvoir, qu’il quittait ses fonctions, au lendemain d’une violente répression des manifestations exigeant son départ, qui a fait, outre les deux morts, une centaine de blessés.
Francisco Sagasti, surnommé Don Quichotte en raison de sa barbe grisonnante et de sa silhouette longiligne, a cofondé en 2016 le parti centriste Morado (Parti violet), le seul qui n’a pas voté pour la destitution de M. Vizcarra.
Cet ingénieur de formation, ex-professeur d’université ayant aussi travaillé pour la Banque mondiale, a été élu député pour la première fois en mars 2020.
Son élection a la tête du pays a été saluée par des centaines de manifestants rassemblés aux abords du Parlement, et par des concerts de klaxons dans les rues de la capitale, ont constaté des journalistes de l’AFP.
– « Principes démocratiques » –
« Je félicite Francisco Sagasti pour son élection à la présidence du Parlement. Seule une personne ayant des principes démocratiques pourra affronter la situation difficile que traverse le pays », a réagi M. Vizcarra sur Twitter.
C’est « le scénario idéal » pour surmonter la crise politique car M. Sagasti a été « l’un de ceux qui ont voté contre la destitution de Vizcarra », a estimé auprès de l’AFP l’ex-président de l’ONG Transparency International, José Carlos Ugaz.
Parallèlement, la députée de gauche Mirtha Vasquez a été élue présidente du Parlement. Les prochaines élections générales sont prévues le 11 avril 2021.
Martin Vizcarra, sans parti politique ni majorité au Parlement, était loué par la population pour sa lutte contre la corruption et son intransigeance à l’égard des députés.
Il s’était trouvé à la tête du pays après la démission en 2018 de son prédécesseur Pedro Pablo Kuczynski, dont il était le vice-président. Il a été démis à l’issue d’une seconde procédure de destitution, fondée sur des accusations de corruption qu’il a catégoriquement niées.
M. Kuczynski n’avait pas pu, lui non plus, aller au bout de son mandat, obligé de démissionner après avoir été mis en cause dans le scandale Odebrecht, du nom du géant brésilien du bâtiment qui a reconnu avoir versé des pots-de-vin dans plusieurs pays latino-américains.
Pas moins de quatre ex-présidents péruviens, dont un s’est suicidé, ont été impliqués dans ce scandale.
Manuel Merino, député de centre droit de 59 ans, était sorti de l’anonymat en septembre en initiant contre M. Vizcarra une première procédure de destitution qui n’avait pas abouti.
Une enquête préliminaire a été ouverte sur la mort des deux manifestants samedi, apparemment tués par des tirs de la police, mais aussi pour les « blessures graves » de dizaines d’autres.
L’ONU a également annoncé l’envoi d’une mission dans le pays pour enquêter sur de présumées violations des droits humains.