La plupart des rôles et attributions de ces dispositifs restent encore flous aujourd’hui, sans qu’aucun texte légal ni réglementaire n’ait été rédigé. Pourtant, note le rapport, des structures prévues pour ce genre de crise étaient déjà existantes avant l’épidémie, à l’instar du Comité national de coordination contre les épidémies majeures.
Ensuite, ce sont ces plus de 716 millions de dollars de dons et prêts qui ont été alloués par les bailleurs à l’Etat pour lutter contre l’épidémie qui questionnent. Aujourd’hui, les dépenses Covid-19 restent pour la plupart intraçables ; de son côté, le ministère de l’Economie et des finances qui devrait conformément au décret adopté en juillet publier un rapport mensuel sur les détails de l’utilisation de ces fonds, ne s’est encore jamais acquitté de cette tâche.
Face à cette situation des plus opaques, les bailleurs, eux, continuent d’allouer des fonds à l’Etat malgache et de procéder aux décaissements. « Nous sommes notés sur notre capacité à décaisser », confie en off l’un de ces grands financeurs. « Ce système est aberrant, on le sait. Ce sont des millions de dollars de petits contribuables occidentaux qui partent dans la poche des dirigeants corrompus du pays. Et tout le monde ferme les yeux. A chacun son business et ses propres objectifs. »
Par ailleurs, cette année, le montant cumulé des sommes dépensées dans le cadre de marchés passés de gré à gré a explosé par rapport aux 3 années précédentes. « Ces procédures sont légales, dans ce contexte d’état d’urgence », explique un représentant de la société civile et spécialiste de ces questions. « Toutefois, on sait très bien que ce type de passation de marchés favorise le népotisme et augmente les risques de corruption, de collusion. » La société civile avait d’ailleurs proposé de lancer des appels d’offres en ligne, simplifiés avec des délais raccourcis pour respecter le jeu de la concurrence. Mais cette recommandation n’a pas été retenue par le pouvoir en place.
Pénurie de médicaments
Le rapport souligne également que le Plan multisectoriel d’urgence (PMDU) mis sur pied par le gouvernement a donné la priorité au volet économique et notamment à la réalisation des « Velirano », ces promesses présidentielles martelées par le chef de l’Etat depuis sa campagne en 2018, par rapport au volet santé. La Santé ne représente que 9.37% du financement contre 35% pour les infrastructures.
L’étude rappelle également les pénuries de médicaments et de matériels de protection vécues au plus fort du pic, notamment pour le personnel soignant, alors même que les dons d’équipements affluaient. Dans le même temps, poursuit l’enquête, les médicaments prescrits pour soigner le Covid et introuvables dans les hôpitaux connaissaient un boom extraordinaire sur le marché noir malgache.
Enfin, contrairement aux dispositions des textes en vigueur depuis juillet 2020 (comme le PMDU), toutes les instances de contrôle et de lutte contre la corruption (Comité de pilotage, Comité consultatif, Cellule mixte anticorruption, Cellule de veille, …) pour veiller à la bonne utilisation des fonds, n’ont encore jamais été mis en place.
Et la semaine prochaine, c’est une enquête de grande envergure menée à travers tout le pays qui devrait démarrer. Transparency International – Initiative Madagascar souhaite mesurer la perception de la corruption par la population, en cette période particulière de pandémie.