Strict rejet
A Khartoum, les Affaires étrangères ont également dénoncé une « violation flagrante du droit international » et évoqué « un risque imminent ». A deux jours de la réunion du Conseil de sécurité sur ce dossier, le ministre égyptien des Affaires étrangères Sameh Choukri a rencontré son homologue soudanaise Mariam al-Mahdi à New York.
Dans un communiqué, ils ont exprimé leur « strict rejet » de l’initiative de remplissage et appelé le Conseil de sécurité à « soutenir leur position sur un accord contraignant sur le remplissage et l’exploitation du barrage ». Le Conseil de sécurité se réunit à la demande de la Tunisie, membre non permanent au Conseil et représentant du monde arabe, au nom de l’Egypte et du Soudan. L’Ethiopie est opposée à cette réunion mais devrait y participer.
La France, qui préside en juillet le Conseil de sécurité, a d’ores et déjà estimé que la capacité de cette instance à trouver une solution au conflit était limitée, ce dossier était plutôt géré par l’Union africaine. « Je ne pense pas que le Conseil de sécurité peut résoudre lui-même la question du barrage », a déclaré l’ambassadeur français à l’ONU, Nicolas de Rivière. « Nous pouvons inviter les trois pays à exprimer leurs préoccupations (…) et les encourager à revenir aux négociations pour trouver une solution ».
Besoins en énergie
L’Ethiopie, qui a dit avoir opéré la première phase de remplissage à l’été 2020, avait annoncé qu’elle procéderait en juillet à la seconde phase, avec ou sans accord. Le barrage, dit-elle, est vital pour répondre aux besoins en énergie de ses 110 millions d’habitants.
L’achèvement du barrage est aussi une priorité politique pour le Premier ministre éthiopien, après des mois de guerre au Tigré, estime Costantinos Berhutesfa Costantinos, enseignant à l’Université d’Addis-Abeba.« Il s’agit d’un facteur d’unité pour les Éthiopiens au milieu de tout ces conflits ethniques, et il est donc important pour le pays et ses dirigeants d’achever le barrage conformément au calendrier prévu ».
L’Egypte a déploré que les négociations soient dans l’impasse depuis avril et accusé l’Ethiopie d’avoir « adopté une ligne intransigeante » diminuant les chances de parvenir à un accord. Le Soudan, lui, espère que le barrage va réguler ses crues annuelles, mais craint des effets néfastes sans accord.
L’Egypte, qui dépend du fleuve à 97% pour son approvisionnement en eau, le voit comme une menace pour ses ressources. Constantinos Berhutesfa Costantinos estime qu’« au contraire, il aura un impact positif car il empêchera les inondations au Soudan, et cette eau sera disponible pour eux ». Et d’ajouter : « Elle ne sera pas retenue de manière permanente« .
Production d’électricité
Le méga-barrage, d’une contenance totale de 74 milliards de m3 d’eau, est construit depuis 2011 dans le nord-ouest de l’Ethiopie, près de la frontière avec le Soudan, sur le Nil bleu qui rejoint le Nil blanc à Khartoum pour former le Nil. Avec une capacité de production d’électricité annoncée de près de 6.500 mégawatts, il pourrait devenir le plus grand barrage hydroélectrique d’Afrique.
Le regain de tension créé par le remplissage du barrage entre Khartoum et Addis Abeba s’ajoute à d’autres dossiers épineux qui ont empoisonné les relations entre les deux pays voisins. La guerre au Tigré fin 2020 dans le nord de l’Ethiopie a poussé quelque 60 000 réfugiés à fuir vers le Soudan en proie à des difficultés économiques. Et un contentieux frontalier vieux de plusieurs décennies, lié à des agriculteurs éthiopiens qui s’étaient installés en territoire soudanais, reste potentiellement actif.