Les violences post-électorales en Guinée qui ont éclaté au lendemain de la présidentielle du 18 octobre ont fait 21 victimes, dont des membres des forces de l’ordre, a indiqué lundi la télévision nationale, citant le gouvernement, qui avait jusqu’à présent fait état d’un bilan d’une dizaine de tués.
« Le gouvernement guinéen a indiqué que 21 personnes ont été tuées depuis lundi (19 octobre) dans les violences post-électorales, dont des agents des forces de l’ordre », a déclaré le présentateur du journal de la RTG. L’opposition évoque pour sa part un bilan d’au moins 27 morts.
Par ailleurs, l’atmosphère est restée tendue lundi dans la capitale guinéenne Conakry, les habitants tentant de se relever des violences post-électorales qui ont suivi la réélection contestée du président sortant Alpha Condé, alors que se poursuit une médiation internationale. L’appel à manifester contre un troisième mandat du président Condé, lancé par le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), n’a été que peu ou pas suivi, de nombreux habitants disant craindre pour leur sécurité, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Le long de l’autoroute Fidel Castro, qui mène du centre-ville à l’aéroport à travers des quartiers réputés favorables au pouvoir, la plupart des boutiques sont restées fermées. Quelques marchés étaient ouverts pour les produits de première nécessité, mais l’affluence n’était pas au rendez-vous. Plus au nord, dans la grande banlieue favorable à l’opposition, des policiers, gendarmes et militaires, dont certains à bord de pick-ups, étaient présents en force, comme depuis plusieurs jours.
Usage excessif de la force
Des tirs ont été notamment entendus dans des quartiers comme Cosa et Sonfonia, sans que l’on sache s’ils ont fait des morts ou des blessés. Wanindara, l’un des fiefs de l’opposition, portait encore les stigmates des affrontements des derniers jours : carcasses de deux camions brûlés, pneus incendiés, pierres jonchant le sol et bâtiments pillés. « Les jeunes de là-bas et ceux d’ici, c’est-à-dire entre RPG (le parti au pouvoir) et l’UFDG (opposition), ce sont les deux groupes qui s’affrontent », a expliqué Mohamed Saliou Camara, un habitant dont la maison a été incendiée.
« La maison que vous voyez là, c’est celle de mon papa. C’est ici qu’ils ont attaqué. Ils ont commencé à faire n’importe quoi. Dans chaque chambre, tout ce dont ils avaient besoin, ils l’ont pris, tout. Après, finalement, ils ont mis le feu », a-t-il ajouté, sans préciser qui sont les responsables. « Personne n’a pu sauver même une paire de chaussures », a confirmé un autre riverain, Mohamed Camara, en déambulant dans les décombres de sa maison.
Selon Amnesty International, les forces de sécurité ont fait depuis une semaine un usage excessif de la force, tirant à balles réelles contre des manifestants. L’ONG a aussi condamné les coupures d’internet, dont l’accès était toujours très difficile lundi selon des journalistes de l’AFP.
Emissaires de l’ONU à la rescousse
Des émissaires de l’ONU, de l’Union africaine (UA) et de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cédéao), arrivés dimanche en Guinée, ont poursuivi lundi leurs efforts de médiation en rencontrant plusieurs ministres, la commission électorale et le corps diplomatique, selon un responsable de la Cédéao à Conakry.
Le chef de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, qui s’est autoproclamé vainqueur dès le lendemain du scrutin du 18 octobre, a finalement accepté lui aussi de rencontrer les médiateurs à son domicile, où il affirme être « séquestré » depuis plusieurs jours. Il avait dans un premier temps réclamé que la rencontre se déroule dans ses bureaux, saccagés selon lui par les forces de l’ordre. Celle-ci a débuté peu avant 18h30 (GMT et locales), selon la Cédéao.
M. Diallo, crédité de 33,5 % des votes par la Céni, contre 59,5 % pour Alpha Condé, a plusieurs fois appelé ses partisans à poursuivre la lutte tant que sa victoire ne serait pas reconnue. Il a par ailleurs confirmé son intention de déposer un recours devant la Cour constitutionnelle. « Même si on sait déjà à quoi s’attendre, nous allons le faire quand même. Pour cela nous avons huit jours francs à partir de la proclamation des résultats provisoires », a-t-il indiqué, sans plus détails.