La France et les nouvelles autorités maliennes ont affiché, lundi à Bamako, leur désaccord sur un éventuel dialogue avec les groupes jihadistes, Paris rejetant fermement cette option, tandis que le chef du gouvernement malien de transition évoque une « opportunité » pour la paix.
Paris et Bamako ne sont plus sur la même ligne concernant d’éventuelles négociations avec les groupes jihadistes qui sévissent au Mali. En visite dans la capitale malienne, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a fermement rejeté, lundi 26 octobre, l’idée de discussions avec les rebelles islamistes liés à Al-Qaïda ou à l’organisation État islamique (EI).
Le Premier ministre malien de transition, Moctar Ouane, a quant à lui souligné que le « dialogue national inclusif », vaste concertation nationale tenue fin 2019, avait « très clairement indiqué la nécessité d’une offre de dialogue avec les groupes armés » jihadistes.
Il faut voir dans ce dialogue « une opportunité d’engager une vaste discussion avec les communautés afin de définir les contours d’une nouvelle gouvernance », a-t-il expliqué, en prônant une « coordination » avec les partenaires du Mali, « notamment ceux qui interviennent sur le plan militaire », au premier rang desquels figure la France, qui a déployé 5 000 soldats au Sahel.
« Les choses sont simples »
Une perspective rejetée par le chef de la diplomatie française, qui a rappelé que ces groupes jihadistes n’avaient pas signé l’accord de paix de 2015, considéré comme une base pour le rétablissement de la paix dans le nord du Mali.
« Disons les choses très clairement : il y a des accords de paix (…) Ces accords de paix ont été validés par un certain nombre de signataires, dont des groupes armés », a déclaré devant la presse Jean-Yves Le Drian. « Et puis il y a des groupes terroristes qui n’ont pas signé les accords de paix. Les choses sont simples ».
Présents dans le nord du Mali, les « groupes signataires » sont d’anciens rebelles, principalement touareg, ainsi que des groupes armés progouvernementaux, ayant adhéré aux accords de paix de 2015 négociés à Alger. Les groupes islamistes liés à Al-Qaïda et au groupe EI n’ont pas signé ces accords et intensifient leurs actions depuis cinq ans, faisant des centaines de morts.
Chercheur au groupe d’étude International Crisis Group (ICG), Jean-Hervé Jezequel souligne que les jihadistes sont « enracinés dans les communautés, en ont parfois leur sympathie » et qu’ils « gèrent une partie des territoires ». Raison pour laquelle, après des années de guerre contre les jihadistes, « un nombre grandissant d’acteurs, sans lâcher l’option militaire, essaient aussi d’explorer la voie du dialogue », estime-t-il.
Canaux de discussion
Des émissaires ont ainsi été envoyés par le pouvoir malien début 2020 vers Iyad Ag Ghaly et Amadou Koufa, deux figures du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), nébuleuse jihadiste liée à Al-Qaïda, responsable de nombreux attentats.
Très peu d’informations ont filtré sur ces contacts jusqu’au renversement du président Ibrahim Boubacar Keïta. Les militaires, qui ont depuis lors mis en place une transition censée rendre le pouvoir aux civils dans un délai de 18 mois, ont affiché leur volonté de donner un nouveau départ au pays.
Ces débats sur la stratégie à suivre interviennent après un récent échange de quelque 200 détenus réclamés par les jihadistes contre quatre otages – un dirigeant malien d’opposition, Soumaïla Cissé, la Française Sophie Pétronin et deux Italiens.
Paris a très vite marqué ses distances avec les conditions acceptées par Bamako pour obtenir la libération des otages. Les perspectives d’une accalmie sur le terrain après cette opération se sont rapidement évanouies : mi-octobre, 12 civils, 11 militaires et un Casque bleu ont été tués dans des attaques et explosion attribuées aux jihadistes.