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D’innombrables arrestations et une tentative d’assassinat lors de laquelle il fut criblé de balles n’ont pas découragé Tundu Lissu, avocat et opposant tanzanien, candidat à la présidentielle de mercredi face au président John Magufuli, qu’il qualifie de dictateur.

Séquelle visible de cette tentative d’assassinat en 2017, qu’il assure politiquement motivée et au cours de laquelle il fut touché par 16 balles, l’homme de 52 ans, petit et trapu, boitille après avoir subi 20 interventions chirurgicales.

Ce qui ne l’empêche pas de faire énergiquement campagne depuis son retour fin juillet en Tanzanie, après trois ans de soins et de convalescence à l’étranger.

Tundu Lissu harangue d’importantes foules, danse sur des podiums et fustige l’autoritarisme du président John Magufuli et de son gouvernement et leurs attaques contre l’opposition et les libertés.

« Je ne me sens pas en sécurité, mais ce travail doit être fait. Il comporte des risques importants, mais il doit être fait », a expliqué, dans un entretien à l’AFP, ce père de deux enfants, lycéens aux Etats-Unis depuis son départ du pays en 2017, marié à Alicia Magabe, avocate comme lui.

Tundu Lissu, avocat et opposant tanzanien, candidat à la présidentielle face au président John Magufuli, à Dar es Salaam , le 9 septembre 2020© STRINGER Tundu Lissu, avocat et opposant tanzanien, candidat à la présidentielle face au président John Magufuli, à Dar es Salaam , le 9 septembre 2020

Né en 1968 dans un petit village du centre du pays, M. Lissu aidait, enfant, à la ferme familiale et prenait soin du bétail paternel, tout en allant à l’école.

C’est en écoutant les informations à la radio et en lisant qu’il dit avoir pris goût à la politique.

– Peur de personne –

Après des études de droit à l’Université de Dar es Salaam, il s’est spécialisé dans les droits humains et le droit de l’Environnement.

Il travaille sur les questions environnementales entre 1999 et 2002 pour le groupe de réflexion américain World Resources Institute (WRI) et rejoint pendant dix ans (1999-2009) l’Equipe d’avocats d’action environnementale (LEAT), une ONG de juristes défendant les droits des communautés rurales pauvres.

Tundu Lissu, avocat et opposant tanzanien, candidat à la présidentielle face au président John Magufuli, à Dar es Salaam le 27 juilllet 2020© STR Tundu Lissu, avocat et opposant tanzanien, candidat à la présidentielle face au président John Magufuli, à Dar es Salaam le 27 juilllet 2020

Le militantisme le mène à la politique: il est élu député en 2010 et gravit les échelons au sein du principal parti d’opposition, Chadema (Parti pour la démocratie et le progrès), dont il devient le n°2.

« Il ne craint pas d’affronter quiconque remet en cause les droits et moyens de subsistance des habitants des zones rurales », explique Peter Veit de WRI, qui a participé à la fondation de LEAT et connaît M. Lissu depuis près de 30 ans.

« Je pense que c’est l’une des raisons de son succès, mais aussi en partie la raison pour laquelle il a suscité de telles réactions du gouvernement de Tanzanie. »

M. Veit assure à l’AFP avoir déconseillé à son ami de retourner dans son pays, par crainte pour sa sécurité, mais se dit « pas du tout surpris » qu’il l’ai fait quand même: « il n’est guidé que par ce qu’il pense être les fautes de l’actuel gouvernement ».

– « Mis en pièces » par les balles –

M. Lissu qualifie le président John Magufuli, qui brigue un nouveau mandat, de dictateur et dénonce un climat de peur.

Son activisme contre le secteur minier lui avait déjà valu d’être arrêté sous la précédente présidence de Jakaya Kikwete. Mais en 2017, il est arrêté six fois et en septembre, sa voiture est mitraillée alors qu’il vient de s’arrêter devant chez lui à Dodoma, la capitale.

« Tous mes membres, mes jambes, ma taille, mes bras, mon estomac ont pour ainsi dire été mis en pièces par 16 balles, et donc me raccommoder et me remettre sur pied a pris du temps », explique-t-il.

Plus l’élection s’est approchée, plus les entraves visibles à sa campagne se sont multipliées: la police a récemment dispersé à coups de gaz lacrymogène une foule venue à sa rencontre lors d’un arrêt imprévu ou, une autre fois, a bloqué son convoi durant des heures.

La commission électorale a aussi suspendu sa campagne pendant sept jours pour « paroles séditieuses ».

« Ces cinq dernières années, l’opposition a traversé l’enfer », affirme M. Lissu, évoquant « les assassinats ou les attaques de dirigeants politiques, les enlèvements, les disparitions, la torture, les poursuites illégales »…

L’opposant a néanmoins réussi tant bien que mal à faire campagne, attirant des foules compactes à ses meetings: « après cinq ans de répression, je ne m’attendais pas à un tel enthousiasme et à un tel soutien populaire ».

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