La mine de Yatéla est située dans le sud-ouest du Mali à environ 50 km de la région de Kayes. Elle était détenue à 40% par IAMGOLD (Canadienne), à 40% par AngloGold Ashanti (Australienne) et le Gouvernement du Mali à 20%. Elle a débuté sa production en 2001. Après une suspension des activités minières sur le site d’exploitation en septembre 2013, le traitement du minerai extrait s’est poursuit jusqu’en 2014 avec une cessation d’activité complète en 2016. Aujourd’hui, il nous semble important d’ouvrir une information sur la cession de la mine de Yatéla à l’Etat du Mali, pour les raisons évoquées ci-dessous.
Suite à l’arrêt complet d’activité en 2016, les sociétés IAMGOLD et AngloGold Ashanti, le 14 février 2019, concluent une convention d’achat d’actions avec le Gouvernement du Mali, à travers leur filiale Sadiola Exploration Limited (SADEX), aux termes de laquelle, la filiale SADEX accepte de vendre à l’Etat du Mali sa participation (celles de IAMGOLD et de AngloGold Ashanti) de 80% dans la Société d’Exploitation des Mines d’Or de Yatéla à 1 dollars USD. Toutefois, SADEX conditionne la réalisation définitive de l’opération de cession, notamment à l’adoption de deux lois relatives à la :
– Confirmation de la conversion de la Mine de Yatéla en une entité étatique et ;
– La création d’un organisme étatique qui assumerait la responsabilité de la réhabilitation et de la fermeture de la Mine.
Ainsi, à la mise en œuvre de ces obligations, SADEX s’acquittera d’un montant forfaitaire à cet organisme étatique qui correspond aux coûts estimés de la réhabilitation et de la fermeture de la Mine de Yatéla mais également du financement de certains programmes sociaux. A la réalisation de ces conditions et du versement des montants dus, SADEX et les membres de son groupe seront exemptés de toute obligation se rapportant à la Mine de Yatéla, y compris les obligations et responsabilités relatives à la réhabilitation et à la fermeture de la mine et au financement des programmes sociaux.
S’agit-il d’un Yatéla gate ?
Au regard des informations ci-dessous et l’analyse des informations disponibles, les interrogations suivantes méritent d’être soulevées :
– Quelle rentabilité économique pour l’Etat du Mali de racheter une mine en arrêt de production depuis 2013 ?
– Pourquoi créer un organisme indépendant ou une entité étatique qui sera chargée de la réhabilitation, de la fermeture de la mine et du financement des programmes sociaux ?
– Pourquoi le paiement de la somme forfaitaire exempte d’office SADEX de toute responsabilité ?
– Quid de la disponibilité de la convention de cession ?
Ces interrogations nous amènent à porter un regard critique sur la présente cession, dont la convention n’a pas été rendue publique pour nous permettre d’approfondir notre analyse. Toutefois, il est important de noter les informations suivantes :
SADEX avait posé, notamment, deux conditions majeures :
- L’adoption d’une loi confirmant le transfert de propriété effective de la mine de Yatéla à l’Etat du Mali et ;
- La création d’un organisme étatique qui assumerait la responsabilité de la réhabilitation et de la fermeture des mines.
Au regard des informations que nous détenons, le gouvernement du Mali Ordonnance N°2020-020/PT-RM du 31 Décembre 2020 portant création de la société d’exploitation des mines d’or de Yatéla SA, consacre ce transfert de propriété effective dans ses art. 1er et 3 qui énoncent, respectivement, qu’« il est créé une société d’Etat dénommée Société d’Exploitation des Mines d’Or de Yatéla en abrégé YATELA-SA », « la Société d’Exploitation des Mines d’Or de Yatéla acquiert les actions de Sadiola Exploration Limited. Elle demeure titulaire du Permis d’Exploitation n°2000/16 du 25 février 2000 ».
Toutefois, au lieu de créer un organisme étatique indépendant chargé de la réhabilitation de la Mine comme mentionnée dans les conditions ci-dessus, la même Ordonnance met à la charge de la mine de YATELA SA (propriété effective de l’Etat du Mali) l’exécution des travaux de fermeture et de réhabilitation du site minier de Yatéla dans son article 4 al.2.
Le transfert de la propriété effective de la mine de Yatéla à l’Etat du Mali, seul actionnaire, fait de ce dernier le responsable, en principe, de toutes les obligations antérieures et postérieures à la cession. Cependant, compte-tenu de l’indisponibilité de la convention de cession, nous sommes dans l’impossibilité d’analyser les aménagements effectués par les parties au contrat.
Transfert des sommes forfaitaires relatives aux coûts estimés de la réhabilitation et de la fermeture de la Mine de Yatéla mais également du financement de certains programmes sociaux…
Il ressort du rapport annuel 2019 de la Société IAMGOLD que ce montant forfaitaire est fixé à 18,5 millions de dollars USD. Toutefois, à noter selon le rapport, ce montant représente la « valeur comptable nette de l’investissement dans Yatéla, avant sa classification comme étant détenu en vue de la vente, était en tant que passif, de (13,2 millions $). Une perte de 5,3 millions $ en raison d’une baisse de la valeur comptable du groupe destiné à être cédé, à sa juste valeur diminuée des coûts liés à la vente, a été incluse dans la perte provenant des activités abandonnées. La valeur comptable totale de 18,5 millions $ est présentée en tant que passif courant classé comme étant détenu en vue de la vente à l’état consolidé de la situation financière ».
En d’autres termes, ce forfaitaire de 18,5 millions de dollars USD constitue un passif transféré au compte de l’Etat du Mali. A ce titre, ce montant est dédié exclusivement à la réhabilitation de la mine. Cela pose donc la problématique de l’évaluation du bénéfice-risque de la cession de la mine de Yatéla et de l’analyse sérieuse des coûts liés à la réhabilitation ainsi qu’au financement des projets sociaux qui touchent principalement la communauté locale.
Par ailleurs, la réalisation des conditions étant constatée par l’Ordonnance précitée, nous présumons que la société SADEX a procédé au paiement des sommes forfaitaires. Toutefois, nous ne disposons d’aucune information sur le versement effectif et les mécanismes d’utilisation du fonds.
Suite aux différentes analyses ci-dessus, il nous semble important d’ouvrir une information sur la cession de la mine de Yatéla constituant vraisemblablement un mécanisme d’exemption de responsabilités et de dilution de fonds provenant de sociétés diverses. Par ailleurs, l’indisponibilité de la convention de cession démontre la volonté manifeste des parties à faire fi de transparence sur les conditions de cession.
La Rédaction